dimanche 28 décembre 2008

Petit catéchisme lapalissois à l'usage de tout un chacun

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Me voici au pied d'un Everest : comment cerner la personnalité de la ville de ma jeunesse ?


En portant exclusivement un regard d'historien, je risque de tout ramener au passé et ainsi de parler à satiété, comme d'autres l'on fait avant moi, du deuil de la sous-préfecture perdue en 1941 alors que nous avons tous appris à vivre sans. De même, l'oeil du sociologue ne fera pas ici nécessairement mouche dans le sens où la froideur de son analyse risque de passer à côté du sel de la vie. Je préfère donc m'engager sur une voie plus intimiste, parler simplement de choses observées et ressenties depuis bien des années.
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Parlons tout d'abord de l'identité lapalissoise. Il flotte dans l'air de Lapalisse un indéniable parfum de ruralité qui, depuis une dizaine d'années, est devenue une chance grâce au développement du tourisme vert. Cette ruralité a longtemps crotté nos pieds (dans les couloirs du lycée vichyssois de Presles, toutes classes sociales confondues, les jeunes Lapalissois de ma génération affichaient, souvent bien malgré eux, une certaine forme d'appartenance au monde des campagnes en léger décalage avec nos copains vichyssois tournés vers la Capitale).
La position marginale de Lapalisse par rapport au centre de gravité bourbonnais (les axes Moulins-Vichy et Moulins-Saint-Pourçain-Gannat : une sorte de patte d'oie posée au coeur du département) a toujours handicapé les élites économiques et politiques de notre ville qui ont dû surmonter cet obstacle en se taillant de puissants réseaux de relations (Gilbert Barthelot, Lucien Colon, Bernard Le Provost, Gilbert de Chabannes et à un degré moindre... le Docteur Grèze).
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Si l'on descend dans l'échelle de perception, cette ruralité, beaucoup de Lapalissois l'écartent à l'occasion de la main en faisant notamment sentir aux habitants des communes voisines qu'ici c'est la ville, même si l'archétype de la ville, pour le vrai Lapalissois, demeure Vichy. La cité thermale exerce en effet un véritable tropisme sur la cité des Vérités, pouvoir que Moulins, la préfecture, ne possède aucunement. En outre, la ruralité lapalissoise possède sa grand'messe : le marché du jeudi matin fréquenté par tous les Lapalissois de souche.
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L'année 2008 fut marquée par deux événements locaux remarquables en termes identitaires : en mars, l'élection de Jacques de Chabannes en tant que maire et conseiller général du canton et en octobre, le second grand embouteillage de Lapalisse sur la défunte Nationale 7. En guise de conclusion à l'ouvrage Mille ans d'histoire au pied du château, écrit il y a sept ou huit ans, j'avais cherché à explorer l'identité lapalissoise : les images véhiculées à la fois par le château de La Palice et la Nationale 7 m'étaient alors apparues comme autant de représentations sociales déterminantes pour cerner cette ville.
L'écrasante victoire de la liste de Jacques de Chabannes, propriétaire du château de La Palice, aux élections municipales de mars dernier participe pleinement à ce phénomène d'identification de la ville autour de son monument le plus célèbre. Voici en effet un homme, jusqu'alors relativement méconnu des Lapalissois, à l'engagement associatif local encore neuf et au programme plutôt timide, qui réussit à battre à plates coutures une équipe sortante (ou presque) qui commit l'erreur magistrale de ne pas partir à la conquête des voix des électeurs. Si Jacques de Chabannes et son équipe surent capitaliser une certaine lassitude de la population par rapport à la posture municipale antérieure, il incarna aussi, et peut-être surtout, le visage de Lapalisse au moment de mettre le bulletin dans l'urne.
Mais revenons au château de La Palice qui constitue à la fois une chance et un handicap pour notre ville. Inutile de revenir sur le rayonnement de l'édifice au niveau régional et même national, mais il est cependant intéressant de noter que les Lapalissois ont souvent peiné à inventer une vie autour de ce château dont les retombées touristiques apparaissent comme un dû qu'il suffit de percevoir sans faire l'effort d'accueillir les touristes. Un problème d'ouverture sur lequel il faudra revenir.
Le second embouteillage de Lapalisse organisé en octobre dernier révèle la seconde grande composante de l'identité lapalissoise : l'attachement de la population à la Route bleue qui d'ailleurs, administrativement, n'existe plus et qui de toute façon ne passe plus dans notre ville depuis deux ans. Les sentiments vis-à-vis de cette route mythique, celle des vacances et de la Côte d'Azur, sont extrêmement complexes. Après avoir réclamé à corps et à cris pendant des années la déviation du tracé de la Nationale (effroyablement accidentogène) et le contournement de leur ville, voici que les Lapalissois se mettent à l'idéaliser et la fêter : une posture qui déconcerte certains cercles moulinois et vichyssois... Il y a derrière cela un je ne sais quoi du syndrome de Stockholm qui personnellement me met mal à l'aise.
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Comment défininir maintenant la mentalité lapalissoise ? Je serais tenté de dire que Lapalisse est un confetti de la France médiane, une parcelle de cette France "ni trop, ni trop peu" qui n'intéresse qu'accesssoirement la presse parisienne car elle ne développe ou ne cultive aucune forme d'extrêmisme ou de particularisme. Lapalisse, c'est la France du Petit rapporteur de Jacques Martin et celle des enquêtes de Jules Maigret où le petit commerçant et l'instituteur ont gardé de l'importance. Lapalisse appartient encore un peu à cette France des notables qui n'en finit pas de découvrir les classes moyennes, à cette France qui achète religieusement chaque matin le quotidien régional. La Cité des Vérités n'est ni une ville de droite, ni une ville de gauche, ce serait plutôt une ville appartenant à un centre variable (épidermique parfois) dont on cherche, et on cherchera encore longtemps, le nom. On y est encore catho, surtout à l'époque des communions, on y est plus foot que rugby, on y aime le dynamisme discret (malheureusement l'innovation y est faible) et on finit toujours par se lasser de l'immobilisme. L'accueil y est souvent froid (mes cousins de la montagne - bourbonnaise - disaient d'ailleurs souvent que les gens de la plaine regardent trop derrière leurs rideaux), mais si l'étranger (ici, l'altérité débute au-delà de Saint-Prix) sait se montrer prudent et patient, il finit toujours par être accepté.
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S. HUG

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