Les 21 et 22 décembre, les électeurs du département de l’Allier approuvèrent l’instauration d’un pouvoir fort par 69 932 OUI contre 1 326 NON, ce qui, au passage, permet de nuancer les certitudes de l’historiographie régionale quant à la chronologie des « campagnes rouges bourbonnaises ». Aidée par des détachements de cavalerie, la remise en ordre bonapartiste put s’opérer rapidement dans le département de l’Allier. 852 républicains furent arrêtés et, à partir du mois de mars, des commissions mixtes (chambres mi-civiles, mi-militaires) instruisirent et jugèrent selon une procédure d’exception les personnes reconnues d’actes de rébellion. 246 furent déportés en Algérie, 11 à Cayenne, 100 autres furent internés et, enfin, cinq peine de mort par contumax furent prononcées.
Du côté Lapalissois, même si aucun habitant de la ville ne participa directement à l’émeute, ving-quatre d’entre eux furent jugés et neuf furent transportés en Algérie : le notaire Etienne Rocher, le clerc de notaire Jean Amaury, Claude Blettery, sans profession, le cordonnier Guillaume Ducoin, le serrurier Guillaume Dereure, le comptable Claude Lefaucheur, l’aubergiste Jean-Baptiste Maguet, le charcutier Joseph Minard, le voiturier Jean Papon. La plupart rentrèrent d’exil, par le port de Sète, entre le mois de janvier et le mois de mars 1853. Gilbert Ducoin mourut à Blida, en Algérie, en 1873 où il était devenu sous-directeur de la Caisse d’Epargne locale. Etienne Rocher, après avoir été mis en résidence surveillée à Douéra, s’établit à Alger où il mourut en 1895. Une loi de réparation nationale promulguée le 30 juillet 1881 en faveur des victimes du 2 décembre 1851 dédommagea sous forme de pensions ou de reversions les personnes jugées ou leurs ayants-droits.
Deux lieux de mémoire. Une souscription fut ouverte au printemps 1852 pour édifier un petit monument funéraire sur la tombe du gendarme Lemaire. Notons au passage que l’évêque de Moulins, Mgr de Dreux –Brézé, prit en charge l’éducation de la fille unique du maréchal-des-Logis tombé sous les balles de Donjonais et la dota d’une rente une fois arrivée à sa majorité. Des aides publiques furent également allouées à la veuve du gendarme. En 1882, lors de la victoire d'Honoré Préveraud aux législatives, les partisans du républicain donjonais dégradèrent cette tombe qui portait alors une grandiloquente inscription sur son socle. En 1905, le comité de la Libre-pensée lapalissoise demandait encore la suppression de cette inscription jugée provocatrice. On ignore à quelle date la partie la plus "réactionnaire" de l'épitaphe fut définitivement martelée.
L'idée d'ériger un monument dédié aux victimes du coup d'Etat du 2 décembre 1851 fut lancée par Antoine Hugon, maire de Saint-Prix, dans un discours prononcé en mai 1905 lors des obsèques d'Edmond Bourrachot, l'un des plus fervents républicains donjonais du 4 décembre 1851. Il fallut attendre la fin de l'année 1907 et l'arrivée à l'Hôtel de ville de Lapalisse de Jean-Baptiste Baudon, radical-socialiste, pour que le projet trouve enfin un écho favorable auprès de la municipalité. Un comité fut organisé : M. Hugon en fut le président, MM. Baudon, maire de Lapalisse et Bonnet, maire du Breuil, vice-présidents, M. Rambaud, cordonnier en fut le trésorier et M. Chervin, instituteur, secrétaire. Une souscription fut ouverte auprès du public et des maires républicains du département. Le Conseil général et la Mairie de Lapalisse mirent la main à la poche, mais l'argent peina à être rassemblée. Alors que l'on prévoyait un monument en granit du Mayet, on se résolut à utiliser la pierre de Villebois, moins chère. L'emplacement du monument déclencha également une vive polémique. Pour l'ériger, J.B Baudon autorisa le déplacement d'une croix qui fut reléguée au coeur du cimetière de la ville. Par ailleurs, M. Balleydier, dont le mur de la propriété touchait à l'emplacement réservé au futur monument mena une véritable guérilla juridique afin que "la borne" ne soit pas collée à son mur...
Achevé en 1913, le monument, dont le socle renferme un parchemin sur lequel figuraient les 140 noms des héros du 4 décembre 1851, ne fut inauguré qu'en 1922. Ce monument devint vite un lieu de mémoire pour tous les républicains locaux. Aussi, ce fut à ses pieds que se déroula la grande manifestation antifasciste du 1er juillet 1934. Près de 3 000 personnes investirent ce jour là les abords de la mairie, de la sous-préfecture et du champ de foire afin de témoigner de leur volonté de défendre les valeurs républicaines face à la montée des ligues d'extrême-droite.
Le 2 décembre 1951, la municipalité de Charles Bécaud, ancien résistant et déporté, organisa les cérémonies du centenaire de la résistance républicaine au coup d'Etat du 2 décembre 1851 en présence du Préfet de l'Allier, du sous-préfet de Vichy, de M. Auberger, sénateur, M. Migay, député, M. Lamoureux, ancien ministre et M. Rougeron, président du Conseil général de l'Allier.
Depuis 2006, chaque début décembre, des élus, des membres ou de simples sympathisants des partis de gauche font revivre, le temps d'une cérémonie, la mémoire des républicains de 1851.
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