mardi 26 juin 2012

Avril 1889 : coup de filet dans les milieux anarchistes lapalissois

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Les années 1880-1890 furent marquées par une montée en puissance des réseaux anarchistes dont le recours à l'action fit planer une odeur de poudre sur ces deux décennies de plomb. Si l'anarchisme fut surtout un fait urbain, les campagnes françaises connectées aux grandes agglomérations furent également touchées, plus ou moins profondément, par l'activisme libertaire. Tous le rapports de Police de la fin des années 1880 et du début des années 1890 ne recensaient pas plus de quatre ou cinq anarchistes dans les environs de La Palisse. Quatre noms revenaient constamment : Tartarin, Brun et les frères Souchet. Ces quatre anarchistes étaient en liaison avec une organisation libertaire de Roanne "Les Révoltés". Fin 1888, de la dynamite fut dérobée sur un chantier de Roanne. Les investigations policières se dirigèrent un temps en direction de Droiturier où résidait Tartarin et de Saint-Prix où vivaient les frères Souchet. Des perquisitions furent menées les 16 et 17 mars : sans résultats. Cependant, Julien Souchet aîné, Tartarin et Brun avaient été condamnés, peu de temps avant, à de légères peines correctionnelles pour des délits de droit commun : chasse prohibée et bris de clôtures. Comme nos trois anarchistes s'acharnaient à prétendre que la prison bourgeoise n'était pas pour eux, le Procureur de la République somma la Gendarmerie de La Palisse d'appréhender les trois individus. Le jeudi 11 avril, à huit heures du soir, Tartarin et Brun furent arrêtés sans résistance. Il en alla tout autrement avec Julien Souchet qui, à l'époque, était adjoint au maire de Saint-Prix. Au moment où deux gendarmes vinrent lui signifier son arrestation, Souchet travaillait aux champs, un fusil chargé près de lui... Sitôt le mandat lu, Souchet se rua, une bêche à bout de bras, sur l'un des deux gendarmes. Une lutte intense s'engagea alors entre les deux hommes. Sur ces entrefaites, la femme de Souchet se précipita pour aider son mari, mais le second gendarme la tint en respect en pointant sur elle le fusil de l'anarchiste. Ce ne fut que sous la menace d'ouvrir le feu, que Souchet lâcha le malheureux gendarme couvert de boue.
Le lendemain matin, Jules Souchet, frère cadet de Julien, se rendit à la gendarmerie de La Palisse et demanda à voir les prisonniers. Or, on trouva sur lui un revolver chargé et des brochures anarchistes publiées par les Révoltés de Roanne. Entrant dans une terrible colère, Jules Souchet fut immédiatement arrêté par les gendarmes. A deux heures de l'après-midi, les quatre prévenus prirent le chemin du dépôt de Cusset sous bonne escorte. Dans les rues de La Palisse, une foule considérable s'était massée sur le passage du fourgon cellulaire dans lequel les quatre anarchistes entonnèrent la Marseillaise.


Gravure parisienne du début des années 1890

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S. HUG


mercredi 13 juin 2012

AVIS DE RECHERCHE HISTORIQUE

Originaire de Cusset, André Perret a effectué toute sa carrière professionnelle dans la région parisienne. Installé dans le Saint-Pourçinois depuis trois ans, André Perret s'est alors lancé sur les traces de son grand-père, personnage haut en couleur, mort en déportation sans toutefois être reconnu par l'Administration française. Aidé par une de ses parentes résidant en Belgique, il va alors se passionner pour les questions généalogiques et le sort des Résistants déportés sous l'Occupation. Se plongeant dans plusieurs fonds, il va, peu à peu réussir à reconstituer l'essentiel de l'itinéraire de Jean-Baptiste Perret.

Jean-Baptiste Perret en 1914
Jean-Baptiste PERRET naquit le 11 juillet 1887 au domaine des Royaux, exploités par ses parents à Besson (03). Il fit des études à l'Ecole Nationale d'Agriculture de Montpellier et obtint le diplôme d'ingénieur agronome en mai 1908. Le 12 septembre 1911 il épousa Yvonne VIGNOT à Cusset (03) et eurent trois enfants. A cette date, Jean-Baptiste Perret  est professeur de français à l’école d’agriculture de « La Barotte » à Châtillon-sur-Seine (21), puis en 1913 à l’Ecole d’Agriculture de Corbigny (58).En 1914 il fut mobilisé comme caporal-fourrier au 295ème Régiment d'Infanterie. Porté disparu à Cuvilly (Oise) après l'offensive allemande du 9 juin 1918 il est retrouvé prisonnier en Allemagne où il fut interné dans les camps de Kassel, Crossen-sur-Oder et Cottbus. Il fut rapatrié après l'Armistice le 20 décembre 1918.

Jean-Baptiste Perret dans les années 30


 En 1934, le couple part vivre en Belgique, à Namur, où Jean-Baptiste Perret devint directeur de la société Hydrocar. En 1940, la famille Perret vint s'installer en Zone Libre à Vichy (03).
 Selon le BAVCC il fut arrêté en janvier 1944 sans doute pour son appartenance au MLN (Mouvement de Libération Nationale) et fut interné à Compiègne sous le matricule N°29603

Jean-Baptiste Perret fit partie de l'un des trois convois "non-Juifs" à être dirigés sur Auschwitz. Ce "convoi des Tatoués" mit quatre jours et trois nuits pour arriver à destination. En effet, une fois débarqués, 1665 hommes furent immatriculés et tatoués. Jean-Baptiste PERRET y reçut un premier matricule, le N° 186203.
     Cette destination d'Auschwitz fut temporaire car, dès le 30 avril 1944, 1561 de ces déportés repartirent à destination de Buchenwald.  Ils y resteront deux semaines. A Buchenwald J.B Perret reçut un second matricule, le N° 53345.Le 24 mai, 1000 d’entre eux prirent le chemin du camp de Flossenbürg, près de la frontière tchécoslovaque.
Jean-Baptiste PERRET, alors âgé de 57 ans, resta au camp central de Buchenwald sans doute en raison de son âge. Il semble en effet que la plupart des déportés âgés ou diminués physiquement n’aient pas été envoyés dans les Kommandos.
       Selon le livre mémorial de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation et le Mémorial des Français Non-Juifs Déportés à Auschwitz, Birkenau et Monowitz, Jean-Baptiste PERRET décèda le 24 février 1945 à Buchenwald. Son décès ne fut ni transcrit à  l’état civil de Besson ni au Journal Officiel de la République Française. Cependant, depuis 2010, son nom apparaît sur une plaque déposée à Besson en l'honneur des déportés de la commune. 

Désormais, André Perret travaille à la réhabilitation complète de la mémoire de son grand-père en cherchant notamment la reconnaissance du statut de déporté. Si vous pouvez aider André Perret dans ses recherches, n'hésitez pas à le contacter par le biais de son adresse électronique APERRH@aol.com

 Récit et documents aimablement transmis par André Perret.

lundi 4 juin 2012

La vieille fille de la rue de la Montagne

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Le ruisseau de la Gièze ressemble un peu à ces vieilles filles qui restent délicatement poussiéreuses même lorsqu'elles enfilent leurs habits du dimanche : on les croise presque sans les remarquer et on finit par les oublier. Alors que les Lapalissois jettent toujours un regard sur la Besbre en passant sur le pont de la ville, peu de gens, mis à part ses riverains, prêtent la même attention à la Gièze. Pourtant, dans la jeunesse de nos Anciens, la Gièze était encore verte : des laveuses la fréquentaient quotidiennement battoir à la main, les gosses des faubourgs et de la rue de la Montagne (la rue Piessat) taquinaient ses écrevisses et son menu fretin, son cresson était couru et tous les jardiniers du coin n'hésitaient pas à lui confier quelques litrons afin de les rafraîchir. Et puis, un peu comme toutes les vieilles filles, la Gièze garde ses secrets. Le soir du 29 janvier 1944, alors que la milice était en train de mettre le feu à son garage de réparations automobiles, Gaston Commerçon, grièvement blessé, sauta dans la Gièze, réussit à descendre son cours jusqu'aux Faubourgs où quelques uns de ses frères d'armes le prirent en charge pour le conduire en catimini dans une clinique vichyssoise où il trépassa le lendemain matin.


Ce ruisseau, d'à peine six kilomètres, prend sa source aux limites des communes de Billezois, de Lapalisse et de Saint-Prix, à mi-chemin entre Les Girauds et Tête Noire.






Les vestiges du dernier lavoir de la Gièze.
(rue fleurie - Lapalisse)

Si les débordements de la Gièze sont devenus plutôt rares, par le passé, le ruisseau se révéla un voisin inquiétant (Archives municipales - 1934)