Au mois de mars
1893, une lugubre découverte fut faite à la gare de Lyon-Perrache, par
l’employé chargé de la réception des colis-postaux. A l’arrivée du train de 5 h
50, venant de Roanne, l’employé remarqua un paquet à demi-défait. Il le saisit pour rattacher les liens qui
l’entouraient et vit alors passer à travers le
papier-carton déchiré un bras d’enfant. Il porta ce colis au bureau du
commissaire de police. On en retira
le corps d’un enfant de sexe masculin. L’enfant avait dû naître viable ; la mort
paraissait être le résultat d’un crime. Le colis était adressé à l’hospice de la
Charité ; au-dessous de l’adresse l’expéditrice avait écrit ces mots : «
Catherine Prosper prie les sœurs de la Charité de lui conserver ce paquet
jusqu’à son retour ». D’après les timbres apposés sur les étiquettes on se
rendit compte que le colis avait été expédié de la gare de Roanne. Le petit
corps fut transporté à la morgue en attendant que le docteur Lacassagne en ait
fait l’autopsie. Le dimanche matin, les journaux de Lyon firent connaître cette affaire à la population roannaise. Le colis était parti de Roanne samedi, par le train
de 2 h 51 du soir. C’était une femme qui l’avait apporté à la gare et c’était
l’employé de la grande vitesse, Monsieur Denis, qui l’avait réceptionné. Cet employé
interrogé, déclara que l’expéditrice était une femme paraissant âgée d’une
quarantaine d’années et qui était vêtue de noir. Elle lui dit qu’elle venait de
Villemontais, mais fit inscrire Dompierre (Allier) comme étant son domicile.
Quant à la nature du paquet, elle déclara qu’il contenait des provisions de
bouche. Il n’était du reste pas très volumineux ; pesait quatre kilos et
mesurait 50 centimètres de longueur. Rien dans la tenue de la femme ni dans son
attitude n’éveilla l’attention de monsieur Denis. Sur les renseignements qui lui
on été fournis, le parquet de Roanne a ouvert une enquête de concert avec la
police. Pour l’aider dans ses recherches, on lui a envoyé les linges et le
papier qui enveloppaient le cadavre. Les linges se composaient d’une pièce de
molleton rouge et d’une taie d’oreiller, marquée d’une croix rouge. On communiqua au parquet le rapport du docteur Lacassagne et la lettre de
l’expéditrice à la Mère Supérieure des Sœurs de la Charité. Le rapport du médecin-légiste conclut que l’enfant était né viable et qu’il était mort
asphyxié. Il ne portait pas de trace de blessure. Il n’avait reçu
aucun soin, il n’avait pas été lavé et le cordon ombilical n’avait pas été lié.
Dans sa lettre, adressée à la Charité, l’expéditrice disait qu’elle était née à
Lyon, que pour faire ses couches elle avait du quitter son mari qui la
brutalisait, que faute de ressources elle s’était mise en route à pied et
qu’elle avait accouché, jeudi de l’autre semaine, dehors et sans le secours de
personne. Elle ajoutait que son enfant était mort faute de soins, qu’il fallait
que son nom restât inconnu à cause de son mari et qu’elle se dirigeait sur
Paris. Les premières recherches restèrent vaines. L’enquête commencée à Roanne continua dans le département
de l’Allier, d’où disait venir l’expéditrice. Ce fut à La
Palisse que cette dernière fut découverte. A la nouvelle de la lugubre découverte, les langues allèrent bon train dans cette ville et la rumeur
publique accusa de suite une veuve Jounet, cuisinière de son métier, que
l’on savait enceinte et qui pendant quelques temps, avait disparu. Un jour on
l’avait revue débarrassée et on n’avait pu avoir aucune nouvelle de son enfant.
Les bruits du public allèrent aux oreilles du Juge de Paix. Celui-ci
fit appeler la veuve Jounet, l’interrogea et finalement, put lui arracher des
aveux complets. Elle avait accouché et, pour cacher sa faute, pour se soustraire
aux commérages des personnes qui la connaissaient et qui l’avaient plus d’une
fois plaisantée sur sa grossesse, elle avait résolu de faire disparaître son
enfant. Elle l’avait étouffé une heure après sa naissance et, enveloppant son
cadavre dans une pièce de molleton rouge, une taie d’oreiller et du papier gris,
elle l’avait apporté à Roanne et l’avait expédié de la gare de cette ville à la
Charité de Lyon. Quand on lui a demandé pourquoi elle avait
choisi ce moyen pour faire disparaître le corps du nouveau-né, elle répondit
que, prise de remords après son crime commis, elle avait voulu se racheter en
partie de sa faute en confiant son cadavre à la supérieure de la Charité, qui,
elle, pourrait lui donner une sépulture convenable. La veuve Jounet fut
arrêtée et immédiatement écrouée.(Source : Le Progrès de Lyon)
S. HUG
HUGSTEPHANE@aol.com
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