jeudi 7 mai 2015

La Guerre de Claude Lafayette, Territorial bourbonnais (Quatrième partie)


Eloigné de chez lui, jouissant de moins en moins de permissions, Claude Lafayette essaya tant bien que mal de suivre l'évolution de ses affaires. Son souci premier en ces temps difficiles : honorer les commandes au prix le plus juste :

"Pour la porte de Madame Bertrand, je ne me souviens pas si les panneaux sont en chêne ou en sapin, car il y a trop longtemps. En tout cas, ça ne peut faire une grosse différence. Ce que je puis affirmé, c'est que tout est en chêne à part les deux panneaux, si toutefois ils sont en sapin. Hors voici comment il faudrait déduire les panneaux qui doivent mesurer environ 0.70 m carré. Prix en chêne : 13.5 = 9.45 f - Prix en sapin 8.50 = 5.95 f .... à déduire de ma note : 3.50 f . En somme, tu vois qu'il n'ya pas à s'inquiéter, la différence qu'il peut y avoir sur le prix de la porte est de 3 à 4 francs et si elle ne paye pas, c'est de la négligence de sa part." (Lettre du 2 juin 1915)
Claude Lafayette profite également de ses permissions pour assurer quelques livraisons : "Si je ne peux y être au moment de la livraison, l'on pourrait les charger vers l'atelier, je ferais bien mon possible pour aller les cirer. Je ne sais pas si je le pourrai, j'ai bien demandé 24 heures pour dimanche prochain. Je ne sais pas si je les aurai, en tout cas j'arriverai samedi soir au train de 10 heures, 10 heures et 1/2 à la maison." (Lettre du 28 novembre 1915 de Roanne)

Cette lettre d'Emma Lafayette est accompagnée d'un trèfle à quatre feuilles et d'un minuscule bouquet de fleurs des champs, talismans et gages d'un retour au plus vite au pays.  Sur le feuillet de gauche figure des bribes de comptes qui permettaient de tenir informer notre patron menuisier de suivre les paiements de sa clientèle. 

Homme de métier, Claude Lafayette accomplit quelques travaux de menuiserie au sein des différents casernements où il résida. Mais surtout, il répondit plusieurs fois à quelques commandes précises de gradés :"Ce soir à 5 heures, j'ai livré ma boîte à violoncelle, je l'ai posté au bureau. Le Commandant y  était, il m'a bien fait des compliments mais nous n'avons pas causé." (Lettre du 22 novembre 1916) "J'ai fait deux malles à deux sergents du 19e, ils ont été tout contents, Boudaille voudrait que je lui en fasse une, seulement le Commandant a mis le bois sous clef." (Lettre du 15 septembre 1916)

Demeurer chef de famille à distance constitua une gageure. Bien entendu au delà du contenu formel des lettres de Claude Lafayette, les ressorts psychologiques du couple, du foyer familial et des rapports avec le cercle proche nous échappent en grande partie. Etait-il sûr que ces conseils fussent suivis à la lettre ? nous l'ignorons car beaucoup de choses devaient se réguler durant les permissions de notre menuisier lapalissois. Le premier objectif de Claude Lafayette était de rassurer en permanence sa femme et sa fille par rapport à ces conditions de casernement et son éloignement du front :
"Sois tranquille, je ne risque rien. Nous sommes à Argers, du reste tu as dû recevoir une carte postale du pays. Toute la journée, nous entendons le canon et pas des minces. Mais les marmites ne peuven tpas nous atteindre car nous en sommes à 20 kilomètres. Donc tu vois que nous ne sommes pas en danger, ni dans les tranchées." (Lettre du 26 décembre 1915) "Tu me dis que M. Bernier est allé à Vichy consulter une cartomancienne, j'espère bien mon petit grelet (surnom, tout comme celui de Bielle, que Lafayette donne à sa fille Gabrielle) que tu n'y crois pas à toutes ces bêtises, tu es bien trop intelligente pour cela. Tu diras bien à Tante Madeleine, que , comme dit le Pépé, se sont des bêtises. Tu me dis qu'à Lapalisse, l'on a pavoiser de drapeaux italiens et français, l'Hôtel de Ville et la Gendarmerie". (nota : pour fêter l'entrée en guerre de l'Italie aux côtés des Alliés) (Lettre du 28 mai 1915 de Roanne)

Lettre de Claude Lafayette à la Bielle (sa fille, Gabrielle) accompagnée d'un petit bouquet très patriotique

Autre priorité : le budget familial. Alors que les rentrées d'argent s'effondrent, qu'Emma envoient régulièrement des mandats à son mari, notre homme essaya de garder la main dans ce domaine : "Gabrielle peut bien étudier son solfège sans qu'elle reprenne son instrument ou plutôt sans que Delorme lui donne des leçons, ce sont des frais que nous ne pouvons faire en ce moment." (Lettre du 17 octobre 1916 à Brienne). 

(à suivre)

S. HUG

HUGSTEPHANE@aol.com

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