samedi 20 décembre 2014

Gilbert Ruet de La Motte, héros discret de l'histoire politique lapalissoise

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En libérant le verbe et en brisant bon nombre de frontières mentales, la Révolution de 89 agit, tel un levier, sur le destin de beaucoup d'hommes. Le bourgeois et le paysan se mirent à rêver de propriétés pleines et entières et endossèrent avec fièvre les habits neufs de l'homo politicus. Notre ville n'échappa nullement à cette lame de fond. Entre le printemps 89 et l'été 92, un notaire lapalissois, Gilbert Ruet La Motte, connut une brève mais intense carrière politique à l'âge de tous les possibles.

Gilbert Ruet naquit en 1754 à Isserpent dans une famille de négociants ruraux qui avait fait fortune en l'espace de deux générations. Après avoir suivi des études de Droit et s'être inscrit en tant qu'avocat auprès du Parlement de Paris, Gilbert Ruet s'installa comme notaire à La Palisse en 1781 et devint dans la foulée procureur fiscal (=avocat seigneurial) de Ferrières et du Griffier (paroisse de Ferrières-sur-Sichon). Deux ans plus tard, notre homme devint procureur fiscal des justices de La Palisse, Gléné et Servilly. A la fin de l'Ancien Régime, seul un avocat sur quatre plaidait réellement dans des cours de justices, les autres préféraient mettre leurs compétences et leurs réseaux professionnels au service de structures seigneuriales qui leur assuraient des revenus plus conséquents à condition de cumuler les charges à l'image de la stratégie de Ruet de La Motte.

La vie privée de notre homme (dont aucun portrait n'a été conservé) nous est assez mal connue. Nous ignorons, par exemple, quel fief lui permit de transformer du jour au lendemain son patronyme en Ruet de "La Motte". Notons au passage que cette stratégie d'acquisition de fiefs nobles permettait à de nombreux robins enrichis de s'insérer, par usurpation, dans les basses couches de la noblesse provinciale. De santé fragile, il formait avec François Bichet (notaire lapalissois et futur maire de la ville de 1790 à 1793) et Christophe de La Poix de Fréminville (avocat et lieutenant-bailli du marquisat de La Palisse, futur maire de la ville de 1804 à 1808) un petit cercle de monarchistes modérés, épris des idées des Lumières.


En mars 1789, Gilbert Ruet de La Motte fut élu représentant du Tiers Etat de la paroisse de Lubier-La Palisse afin de désigner les députés bourbonnais devant siéger aux Etats Généraux convoqués par louis XVI. Gilbert Ruet fut élu suppléant à la députation. L'année suivante il entra au tout nouveau Conseil d'administration du département. En juin 1791, Gilbert Ruet fut élu député de notre département par 177 voix sur 308. A Paris, notre homme fut plus un homme de dossiers qu'un grand tribun. Très proche des partisans d'une monarchie constitutionnelle, il appartint un temps au Club des Feuillants. Au point de son activité politique, Gilbert Ruet participa au Comité des Comptes et fut à ce titre l'un des pères de la Comptabilité nationale.


Gilbert Ruet de La Motte décéda le 18 juin 1792, âgé seulement de 38 ans.


Deux vues du couvent des Feuillants à Paris dans lequel se réunissaient les députés favorables au maintien d'une monarchie constitutionnelle.


S. HUG


HUGSTEPHANE@aol.com

vendredi 5 décembre 2014

La Comtessa et les garçons bouchers de Lapalisse (souvenirs d'enfance de Mylène Demongeot)

Beaucoup de Lapalissois ignorent que l'actrice Mylène Demongeot passa une année de son enfance à Lapalisse dans une petite maison, aujourd'hui détruite, du quartier de l'usine à gaz. En effet, en 1939, les parents de la toute jeune Marie-Hélène Demongeot, alors âgée de quatre ans, accompagnés par la Comtesse Clotilde Faussone di Clavesana (La Comtessa Nonna), grand-mère paternelle, se réfugièrent dans notre ville. Oubliées pour un temps le soleil de Nice et les artères de la Capitale. Dans son autobiographie intilulée Tiroirs secrets parue en 2001, l'actrice évoque les quelques images cauchemardesques, quasi felliniennes, qu'elle a gardé de Lapalisse : "Tout ce que je sais, c'est que nous habitons une petite maison près d'un abattoir à cochons. Je vois le sang rouge et frais, tout fumant, couler dans des rigoles au milieu de la petite rue et j'entends les cris épouvantables de ces bêtes qu'on égorge. Horrible. Je me bouche les oreilles pour ne plus entendre et, des fois, je pleure pour eux. Je crie "Arrête ! Arrête !" ça fait hurler de rire les garçons bouchers qui vont et viennent avec leurs mains rouges et leurs grands tabliers blancs gorgés de sang. Au bout d'un certain temps, papa décide de partir et de rentrer à Paris. Il charge les bagages dans la Onze Chevaux Citroën noire et, après des adieux mus, nous quittons Nonna qui pleure en nous embrassant. Nous roulons un moment, puis, à la sortie d'un virage très courbe sur une route sinueuse, nous découvrons tout là-haut à moins d'un kilomètre à vol d'oiseau et sur la même route que nous, avançant dans notre direction, l'armée allemande, chars, voitures, motos, qui descend comme une gigantesque déferlante brillant de tous ces feux sous le soleil... Papa fait vite demi-tour vers Lapalisse. Plus tard, ma grand-mère retourne à Nice et mon père nous ramène à Paris."  

S. HUG