vendredi 16 janvier 2015

La place des domestiques et des gens de maison dans le Lapalisse de la Belle Epoque

A l'époque où Octave Mirbeau publiait son célèbre Journal d'une femme de chambre (1900) quels étaient les aspects de la domesticité lapalissoise ? Grâce aux relevés du recensement de la population effectué en 1901 (conservé aux Archives départementales) nous pouvons dégager des éléments permettant de cerner cette catégorie sociale non négligeable sur les bords de Besbre (6,70 % des 1863 habitants agglomérés au chef-lieu de la commune pour une moyenne nationale à la même époque de 5 % environ).
Le groupe des domestiques et des gens de maison lapalissois était alors composé de 125 personnes, dont 89 femmes, soit 71 % du total. L'âge moyen est de 29 ans et 10 mois. Les plus jeunes domestiques ont 12-14 ans et la doyenne des gens de maison a 70 ans, il s'agit de Françoise Meunier, bonne d'Antoine Chassaing, curé de Lapalisse. Si le célibat semble de régle, on note toutefois dans une vingtaine de cas une cohabitation professionnelle entre homme et femme sous le toit de leurs employeurs. Il est donc fort probable que quelques couples informels ont dû voir le jour dans le secret des sous-pentes. En revanche, nous ne notons aucun enfant illégitime rattaché aux gens de maison lapalissois. Autre dominante : la totalité, à une exception près, des domestiques vit sous le toit de leur employeur. Marie Villedieu 57 ans, domiciliée rue de la Fraternité constitue en l'occurrence la seule exception relevée par les enquêteurs. Le recensement de la population établi en 1906, permet de cerner l'origine géographique de la domesticité lapalissoise : les trois-quarts des personnes constituant ce groupe étaient originaires de villages situés dans un rayon de 20 kilomètres autour de Lapalisse. En revanche, faute de contrats écrtits entre les parties, il est difficile de connaître le montant des gages annuels des gens de maison lapalissois. Retenons simplement que dans les petites villes de cette France de la Belle Epoque, les gages annuels (logés et nourris) des domestiques évoluaient, selon l'âge et la qualification, entre 200 francs et 700 francs (contre les 800 francs annuels d'un ouvrier maçon). 
Si l'on veut répartir cette domesticité en fonction de la catégorie socio-professionnelle de ses employeurs, il faut tout d'abord noter que 58 % d'entre eux travaillent pour des négociants, des entrepreneurs, des petits patrons du commerce ou de l'artisanat. Les 42 % restants sont à répartir dans  trois catégories sociales différentes (27 sont employés par les grands propriétaires, 15 par les membres de la fonction publique et par les professions libérales,11 dans les institutions religieuses). 
Le "premier employeur" de gens de maison à Lapalisse était bien entendu à cette époque les propriétaires du château de La Palice : les De Chabannes avaient alors à leur service dix personnes. La famille Turlin, domiciliée rue Nationale, arrivait en seconde position avec quatre domestiques et un précepteur sous son toit, suivie de près par les Pejoux, domiciliés au Petit-Paris. La famille Béguet, banquiers et courtiers installés dans l'Ile Saint-Jean avaient quant à eux deux domestiques, le docteur Laborde, rue du Marché et le docteur Brisson, avenue de la Gare, trois personnes à leur service, le notaire Canis, deux, le Pharmacien Bonnin, deux. Cas de figure intéressant, celui d'Antoine Hugon, imprimeur installé rue Nationale (futur conseiller général et maire de Saint-prix) qui entretient un domestique tout comme son typographe, Paul Bialès qui a, lui aussi, une personne à domicile. Le Sous-Préfet de Lapalisse, le lieutenant de Gendarmerie, le Contrôleur des Contributions directes, le Juge de Paix, le Secrétaire de la Sous-Préfecture, les deux huissiers ont chacun une seule personne à leur service. 
Au niveau de la distribution spatiale de la domesticité lapalissoise de la Belle Epoque, trois ensembles peuvent être dégagés : un tiers se trouve regroupé dans le haut de la ville (avenue du Donjon, rue de la Fraternité, château, place du foirail, rue du commerce et rue de la liberté), un quart réside le long de la rue Nationale (notre actuelle avenue Roosevelt), un autre quart dans le périmètre de l'Ile Saint-Jean, de la rue du Marché et du Petit-Paris

S. HUG