jeudi 1 septembre 2011

AVIS DE RECHERCHE HISTORIQUE

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Habitants de Lapalisse, je viens solliciter votre aide pour éclaircir un point d’histoire et, je l’espère, rendre justice à des citoyens de votre ville. Auparavant, permettez-moi de me présenter brièvement : né en Alsace en 1949, je suis installé depuis une trentaine d’années dans une ancienne ferme isolée des Hautes-Vosges, où j’écris et publie des contes pour enfants, de la poésie et des textes de chansons pour plusieurs interprètes de la région.


Voici l’objet de ma requête. Avant la dernière guerre, mes grands-parents maternels, Isidore et Pauline Bloch dirigeaient une imprimerie à Strasbourg, installée juste derrière la statue de Gutenberg, à deux pas de la cathédrale de la capitale alsacienne, remarquable par sa flèche unique et sa célèbre horloge astronomique.Lorsque les lois anti-juives furent promulguées, et avec elles le port obligatoire de l’étoile Jaune, mes grands-parents décidèrent de fuir Strasbourg avec leur fille Madeleine – ma mère – et se réfugièrent, pour des motifs que j’ignore, chez vous à Lapalisse. Ils y tinrent un petit commerce de mercerie, couture et laine situé rue du Marché, non loin de la gendarmerie de l’époque.


Pendant ce temps, leur fils Henri était sous les drapeaux.Tout le matériel de leur imprimerie fut confisqué par l’occupant nazi. On le retrouvera après le conflit dans le nord de l’Allemagne, ce qui procurera à ma grand-mère quelques menus dommages de guerre.Henri, capturé par les Allemands en 1941, se retrouva dans un camp de prisonniers à Hambourg puis en Poméranie. Mon grand-père Isidore, miné physiquement par les privations et moralement par le sort réservé aux Juifs, mourut à Lapalisse en novembre 1941. Sa veuve Pauline et sa fille Madeleine trouvèrent refuge juste au pied du château, dans la maison de la famille Auroux. Plus tard, c’est dans les cuisines du château qu’elles furent cachées - par la Comtesse de Chabannes, si je ne m’abuse - mêlées au personnel de service, composé de nombreux«parias ».



ci-dessus : Le caporal Henri au Stalag 2 de Hambourg en 41 ; dessin au crayon d’un autre prisonnier




En mars 1943, lorsque le vent de l’Histoire se décida à tourner, les Alliés se préparant à débarquer en Normandie tandis que les troupes russes marchaient sur l’Allemagne, Henri pressentit que les soldats allemands en pleine débâcle ne s’embarrasseraient pas de prisonniers dans leur fuite et décida, avec un ami strasbourgeois, de s’évader. En pleine nuit, ils parvinrent à franchir les barbelés du camp. Malheureusement, une sentinelle allemande les repéra du haut de son mirador et fit feu dans le dos des fuyards. Henri fut tué d’une balle en plein cœur, balle qui vint s’écraser contre les pièces de monnaie contenues dans son portefeuille. Cet objet macabre, que j’ai eu l’occasion de voir et de toucher, reste pour moi le symbole criant de l’absurdité des guerres. Un soldat français, originaire de Paris, cherchant son régiment, découvrit le corps d’Henri et lui donna “une sépulture chrétienne”, comme il le précise dans le courrier envoyé à ma grand-mère, auquel sont joints un plan précis de l’emplacement de la tombe et le portefeuille contenant toujours la balle mortelle.


ci-dessus : la famille Auroux, propriétaire du moulin de la Ville (cliché de 1943).




Le corps d’Henri ne sera jamais rapatrié, ma grand-mère craignant qu’une erreur d’appréciation sur le terrain ne lui ramène le corps d’un“boche”. De retour à Strasbourg, Pauline, privée de mari et de fils, et sa fille Madeleine n’étaient pas encore au bout de leurs épreuves : leur appartement était certes intact et rien n’y manquait, mais c’était du fait qu’il était occupé par un milicien, qui renvoya brutalement les deux femmes à la rue. Quelques jours plus tard, il disparut ; on retrouva son corps sans vie flottant sur l’Ill. Le centre-ville de Strasbourg ayant subi de multiples bombardements, le local de l’imprimerie étant dévasté, Pauline installa un petit commerce de papeterie dans un baraquement de fortune, comme bon nombre d’autres commerçants. Quatre ans plus tard, c’est dans ce lieu que retentirent mes premiers cris.


Aujourd’hui, il me paraît essentiel, par simple souci de justice et par devoir de mémoire, de retrouver la trace des personnes qui ont, au mépris du danger, sauvé et abrité mes grands-parents et leur fille. Il est peut-être bien tard, mais j’espère encore voir leur nom figurer au registre des Justes.



Habitants de Lapalisse, si vous pouvez m’aider dans cette recherche, je vous en serais hautement reconnaissant.

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Roland Marx

1, Le Pré Lallemand Habeaurupt 88230 PLAINFAING

Tél. : 03.29.50.83.25 courriel : nicrol88@orange.fr

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