lundi 12 décembre 2011

LES CARNETS DE BORVO : la sphère moulinoise.

Moulins est sans nul doute l’une des préfectures les plus discrètes et les méconnues du territoire national. Située sur les bords de l’Allier à 300 kilomètres de Paris (3 h 30 par la route – 2 h 40 par le rail), Moulins ne jouit malheureusement pas d’une grande notoriété à tel point que la plupart des jeunes générations françaises sont incapables de placer sur une carte de l’Hexagone cette ville de seulement 22 000 habitants (25 000 habitants en 1982). La communauté d’agglomération de Moulins regroupe quant à elle dix communes et 58 000 h ce qui limite le poids de la région moulinoise. Certaines administrations nationales utilisent par ailleurs le vocable de Moulins-sur-Allier ce qui pour les Bourbonnais constitue un joli pléonasme mais qui à coup sûr ancre psychologiquement pour ceux et celles qui ne connaissent pas Moulins au rang des petites villes de terroir. Le déclassement dans la hiérarchie urbaine française est un risque réel qui pèse sur Moulins. Ainsi, la défense du Tribunal de Grande Instance menacé en 2008-2009 par la réforme de la carte judiciaire nationale a mobilisé toute les composantes de la vie politique et sociale moulinoise et fut couronné de succès puisqu’en janvier 2010 le Conseil d’Etat a invalidé la fermeture programmée du TGI moulinois.
Depuis le début des années 1980, la promotion de la ville de Moulins est donc devenue une priorité municipale. Après avoir joué sur l’image d’une cité sportive sous les mandats d’Hector Rolland (1971-1989), Pierre-André Périssol, maire de Moulins depuis 1995, essaye de promouvoir le patrimoine de la ville et de développer son potentiel touristique : classement en tant que Ville d’Art et Histoire en 1997, ouverture du Centre National de l’Illustration dans l’Hôtel de Mora en 2005, inauguration enfin, dans l’ancienne caserne Villars totalement rénovée, du CNCS (Centre National des Costumes de Scène, qui conserve près de 10 000 pièces) en juillet 2006.



Pourtant, la défense de l’identité moulinoise, se confondant souvent avec celle de toute la province, commença très tôt avec la création de la Société d’Emulation du Bourbonnais en 1846 et de la Société des Etudes Locales en 1920. Citons également ici les travaux d’Alfred Meilheurat et sa Physiologie du Moulinois (1843), de Marcel Génermont fondateur des Cahiers Bourbonnais et auteur notamment de Jacquemart, doyen des Moulinois (1938), et de Marie Litaudon, Moulins en 1460 (1947) et Moulins en 1660 (1961).

Au point de vue économique, le poids des services, des commerces et des administrations est particulièrement fort à Moulins où le secondaire n’a jamais réussi à dépasser la barre des 20 %. La répartition des activités économiques sur le territoire de l’agglomération moulinoise est intéressante à noter. Alors que la ville de Moulins concentre l’essentiel des fonctions administratives, des services territoriaux et des petits commerces, les grandes surfaces commerciales et les grandes unités industrielles et tertiaires sont établies sur les communes d’Yzeure (12 500 h – société BOSCH - 320 employés) et d’Avermes (3 800 h – Parc Moulins-Foire-Expo, les sociétés Potain, 250 employés, JPM, 400 salariés, base logistique Intermarché 200 salariés, Centre Leclerc 200 salariés). Cette distribution spatiale trouve son corollaire dans la géographie politique de l’agglomération : alors que la ville de Moulins est résolument ancrée à droite, Yzeure et Avermes sont votent elles à gauche.
Dans les années à venir, la fonction de carrefour (RCEA – RN9 et RN7) pourrait, si elle est convenablement exploitée, constituer un atout de taille pour l’agglomération moulinoise. En revanche, l’activité de l’aérodrome de Moulins-Montbeugny n’a jamais véritablement décollée. La ville de Moulins, en tant que Préfecture, offre une gamme très complète d’administrations et de services et possède un panel de commerces relativement étoffé. Le Centre Hospitalier et la Clinique Saint-Odilon contribuent au pouvoir d’attraction de Moulins. A cela s’ajoute, le rayonnement de l’Evêché, un IUT créé en 1996, des Lycées dont le fameux Banville (classes prépas), des cinémas, mais en revanche l’agglomération présente une réelle faiblesse au niveau des salles de spectacles. Le pouvoir médiatique de Moulins est également limité : aucun quotidien moulinois (seule existe une agence du quotidien clermontois La Montagne), on y trouve également le siège de l’hebdomadaire La Semaine de l’Allier et les studios de France3 Auvergne-Moulins.
L’aire d’influence de Moulins est plutôt stable depuis plusieurs décennies, s’étendant à toute la moitié nord du département de l’Allier et aux marges sud du département de la Nièvre (la ville de Nevers a seulement 50 kilomètres de Moulins en limite son influence septentrionale).






Au niveau historique, la première mention de Moulins remonte à 990. En 1232, le sire de Bourbon Archambaud VI octroie une charte de franchises aux habitants de la ville de Moulins qui fut la capitale du duché de Bourbon entre 1327 et 1523. Dans la seconde moitié du XVe siècle, la cour ducale de Moulins atteint son apogée sous Pierre II et Anne de France (nombreux artistes dont le fameux Maître de Moulins, peintre encore anonyme).

Au XVIIe siècle, Moulins devint le siège d’une généralité qui s’étendait bien au-delà des limites de la province du Bourbonnais. Devenue chef-lieu du département de l’Allier en 1790, siège d’un évêché en 1823, Moulins, ville bourgeoise, incarna vue de la capitale l’archétype de la ville balzacienne du XIXe siècle, surnommée d’ailleurs La Belle endormie. Le décollage industriel de Moulins fut tardif et ne remonte qu’aux années 1960. Cinq grandes sociétés ont marqué l’histoire industrielle de l’agglomération moulinoise : Ducellier-Bendix, Bally Chaussures, Thomson, Potain et JPM. Devant l’augmentation du nombre des ouvriers et des employés, des quartiers HLM sortirent de terre durant les années 60 : au Sud, les Champins, au Nord, les Gâteaux et les Chartreux. Alors que le bassin montluçonnais commençait à entrer en déclin au moment moment Moulins se réveillait, laissant croire à certain que la hiérarchie industrielle de l’Allier finirait par s’inverser. Or, à partir des années 1980, les cinq principales entreprises moulinoises furent frappées par la concurrence internationale.
Héritière d’une tradition locale du travail du cuir, le chausseur Bally employa jusqu’à 500 employés au début des années 1980. Entamant ensuite un long déclin, le site ferma définitivement en 1999 après une vaine tentative des employés pour l’administrer.
Thomson s’installa à Moulins à la fin des années 1950 en créant un atelier d’assemblage de postes de télévision (150 emplois originels). Au milieu des années 1960, le site moulinois employa plus de 900 personnes. La décennie 70 fut marquée par une série de crises et d’espoirs, mais l’usine Thomson ferma définitivement au début des années 80.
La société Potain s’installa à Avermes en 1959 par le rachat de la fabrique de wagons miniers Decauville. Spécialisée dans la conception de grues, la société Potain fut d’ailleurs le leader mondial dans ce secteur au cours des années 1970 (250 employés environ). A partir des années 1990, Potain connut un recul de son activité. En 2001, Potain Moulins fut racheté par le leader mondial Manitowoc avec une petite centaine de salariés.
La société JPM fut fondée en 1970 par Paul Chauvat, futur maire de Moulins entre 1989 et 1995. Spécialiste de la serrurerie. JPM cessa ses activités en 2013 supprimant de la sorte près de 200 emplois. Enfin, au début des années 1960, l’équipementier automobile Ducellier-Bendix-Air-Equipement s’installa à Yzeure et employa jusqu’à 600 personnes. En 1996, le site fut repris par BOSCH qui réduisit les effectifs à 370 personnes. Fabriquant désormais des systèmes de freinage ABS, le site n’emploie plus que 320 personnes.

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S. HUG


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