samedi 7 juin 2008

Création et destin des Vérités de Lapalisse et des lapalissades

Nous avons vu, au mois d'avril dernier, comment Bernard de La Monnoye plaça, fort malicieusement, une coquille à l'intérieur de la chanson de Jacques II de Chabannes, Maréchal de La Palice, dans le but de créer une version burlesque de celle-ci. Le thème des "Vérités de La Palisse" était né. Longtemps véhiculées par les chansons enfantines, les "Vérités de La Palisse" firent leur entrée dans le monde littéraire en 1878 lorsque Edmond de Goncourt porta sur les fonts baptismaux le terme voisin de Lapalissades (première mention dans sa préface à un ouvrage d'Emile Bergerat consacré à Théophile Gautier).

Mais l'intrusion des Vérités de La Palisse (ou Lapalisse) et des lapalissades dans le langage courant date seulement du début du XXe siècle. Le 2 novembre 1904, à Paris, au Théâtre des Variétés, fut donné pour la première fois un opéra-bouffe intitulé Monsieur de La Palisse (livret de Robert de Flers et d’Armand de Caillavet, musique de Claude Terrasse) qui contribua pour beaucoup à ce phénomène. Entièrement transposé dans un monde picaresque, Monsieur de La Palisse apparut alors sous les traits d'un aristocrate aussi affable que maladroit et toujours en quête d’amours impossibles.


Le spectacle fut par la suite monté à Berlin en 1906, à Lausanne en 1911, puis de nouveau en France à Toulouse entre 1919 et 1922, à Paris en 1924 et enfin aux Théâtre des Célestins de Lyon en 1927. Radiodiffusé pour la première fois sur Radio Monte Carlo en 1949, Monsieur de La Palisse finit par avoir les honneurs de la Première chaîne de télévision en 1967.


Lors de sa création en 1904, Monsieur de La Palisse était campé par

le comédien Brasseur, père de Pierre Brasseur, grand-père de Claude, arrière-grand-père d'Alexandre.

Albert Brasseur (de son vrai nom Albert-Jules Dumont) est né à Paris en 1869. Son père, Jules, fut comédien au Théâtre Palais-Royal avant de fonder le Théâtre des Nouveautés. Après des études au lycée Condorcet, Albert Brasseur fit partie de la troupe du Palais-Royal, puis de celle des Nouveautés (1879-1890) et intégra enfinla troupe du Théâtre des Variétés. Il mourut à Paris en 1932.

(Document et renseignements biographiques fournis gracieusement par P. Desmarais)


Les Vérités de Lapalisse et les Lapalissades, désignant tout aussi bien des axiomes populaires de bon aloi que de joyeux pléonasmes forgés dans les corps de garde, restèrent d’un emploi fréquent jusqu’au cœur des années 1980. A l’âge d’or de la Radio et de la Télévision (1960-1980), dès que ces mots fusaient au détour d’une question du Jeu des Mille Francs, de La Tête et les Jambes, des Jeux de 20 heures ou bien encore de L’Académie des Neuf, bon nombre de Lapalissois s’enorgueillissaient de façon discrète, ou plus expressive, de la renommée de leur petite patrie. De nos jours, l’usage dans les médias des termes de Vérités de Lapalisse et de Lapalissades est devenu plutôt rare et revêt même une dimension surannée dont le sens échappe de plus en plus à nos contemporains. Arrivées en bout de course, les Lapalissades furent même récemment recyclées par une poignée d’éditorialistes politiques qui inventèrent, lors du passage aux affaires de Jean-Pierre Raffarin (2002-2005), le terme de Raffarinades, qui résumaient à leurs yeux, non sans une forte pointe d’ironie, son verbe enraciné dans la « France d’en bas ».



S. HUG


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