vendredi 15 janvier 2010

LAPALISSE FOCUS 50-60 - Troisième partie -

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Retrouvez la première partie de Lapalisse Focus 50-60
Retrouvez la deuxième partie de Lapalisse Focus 50-60
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De nos jours, la Besbre est devenue un élément quasi banal du paysage lapalissois. Mais à l’époque, cette rivière possédait encore un incroyable pouvoir d’attraction sur la population, chacun lui reconnaissait une personnalité propre, chacun connaissait ses creux et ses courbes, ses eaux calmes et ses colères, certains avaient même fini inconsciemment par lui accorder une existence imaginaire. Beaucoup de jeunes lapalissois des années 50-60 ont appris à nager dans les trous de la Besbre, au grand dam de leurs parents, notamment au niveau des « écluses », à la limite des communes de Lapalisse et de Saint-Prix ou sous le « virage du stade », en contrebas du bief. Et puis, il y avait la pêche, une épreuve initiatique de l’enfance. Alors que chaque gamin faisait ses premières armes en essayant de ramener sa friture, les vrais spécialistes, ceux qui pêchent à la mouche, taquinaient la truite le long des grosses souches d’arbres au pied des berges de la Besbre. D’autres, princes de la cueillette en tout genre, pratiquaient en solitaire une pêche beaucoup moins académique à l’aide de nasses ou de sacs de jute remplis de mie de pain. Mais gare, le Père Boudet, garde-pêche et ancien militaire de carrière, traquait avec obstination tous les braconniers, ceux en culottes courtes et ceux blanchis par les années d’interlope.
Mais gardons-nous bien de percevoir cette société lapalissoise comme un monde immobile. Dès le début des années 1950, le trafic routier s’intensifia sur la Nationale 7, posant déjà la question de la sécurité dans la traversée de la ville. En 1955, les premiers feux tricolores furent placés au carrefour de l’Hôtel de France afin de mieux réguler les flux automobiles. L’entrée dans l’âge de la voiture nécessita de repenser l’offre touristique de la ville. En 1947, Joseph Liard, l’une des plus grandes figures lapalissoises du XXe siècle et qui était alors conseiller municipal, proposa d’illuminer chaque week-end le château afin de marquer l’esprit des automobilistes empruntant la Route bleue. Par ailleurs, la famille de Chabannes ouvrit peu à peu son château aux visiteurs guidés à l’époque par M. Woreth, marchand de vaisselle sur le boulevard de l’Hôtel de Ville. A partir de 1955, un spectacle Son et Lumières mit en scène l’édifice en faisant revivre la chevalerie médiévale. La promotion touristique de Lapalisse dut également beaucoup à Gilbert Barthelot, industriel et maire de la ville de 1953 à 1959. Il créa le camping municipal, dynamisa le Syndicat d’initiatives, rêva de faire de notre ville une étape gastronomique et projeta même à une époque de planter des palmiers rustiques le long de la Nationale 7 afin de donner un peu plus de cachet à cette route des vacances. Dans les colonnes de La Liberté du 5 décembre 1955, l’assureur René Périchon, alors Président du Syndicat d’initiatives résumait en quelques mots le secret de la réussite touristique :
« Montrez-vous serviables envers tous les touristes et estivants, rendez accueillante notre ville, qui, je dois le reconnaître, est déjà très coquette. Tenez les trottoirs propres, ayez toujours des vitrines bien faites et bien éclairées, des devantures bien peintes. Mettez des fleurs à vos fenêtres et à vos balcons. Hôteliers, soignez vos menus. »



L’expansion, que tout le monde appelait de ses vœux et dont on entendait sans cesse parler à la radio ou dans les journaux, finit par débouler à Lapalisse, en 1958, lorsque l’Ecole ménagère (l’actuel Lycée Antoine-Brun) sortit de terre, avenue de la Gare. Cinq ans plus tard, la première zone industrielle lapalissoise voyait le jour, avenue de Verdun.
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L'école ménagère, avenue de la Gare - La première grande réalisation d'après-guerre

La modernité pénétra peu à peu les foyers lapalissois, le cheval disparut définitivement des rues et les laveuses se firent de plus en plus rares autour des lavoirs et sur le quai. Les vieilles glacières familiales (on achetait alors la glace, sous forme de gros pains, chez le limonadier Grau-Mouillevois, rue du Marché) furent remplacées par les premiers frigidaires achetés chez Depeyre ou chez Guéneau. La fermeture, en 1955, de l’usine à gaz dopa en quelques mois les achats de cuisinières fonctionnant grâce à des bombonnes. En 1957, pour répondre à la diffusion de plus en plus forte d’appareils électroménagers, le vieux 110 volts fut abandonné pour le 220. Parallèlement, alors qu’il n’y avait qu’une centaine d’abonnés du téléphone en 1950, leur nombre fut multiplié par quatre durant les années 50-60. Mais une autre révolution était déjà en route, celle de la TELEVISION. Les premiers postes firent leur apparition à Lapalisse autour de 1950, dans quelques foyers aisés (chaque poste valait alors le prix d’une automobile bas de gamme !) comme par exemple chez André Boufferet, le charismatique président de l’Union vélocyclopédique ou chez le pharmacien Chéradame. Quelques bistrots de la ville s'équipèrent comme le Café des Sports (tenu par M. et Mme Liard), La Marguerite (tenu par les époux Buvat) ou l'Hôtel de France. Très vite, la télévision trôna derrière les vitrines des magasins Guéneau (avenue Roosevelt) et Mouton (rue du Marché). L’abaissement progressif du prix des téléviseurs durant les années soixante permit l’équipement d’un peu plus de la moitié des foyers lapalissois.
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Le premier magasin Guéneau, avenue Roosevelt.



Le baby-boom bouleversa Lapalisse à l’image de tout notre pays. L’œil communautaire s’adoucit en découvrant un nouvel état : l’adolescence. La jeunesse, de plus en plus nombreuse, devint un marché à satisfaire. Elle investissait chaque jour un peu plus les rues et les places tout en créant ses propres lieux de sociabilité : le jardin public, entretenu et surveillé d’une main de fer par le père Rochette, mais aussi et surtout le café des Sports (« Chez Domi ») sur la place du Marché, tout contre le Palace, où les jeunes se retrouvaient pour jouer au baby-foot et au ping-pong. Toujours le baby-foot, puis un peu plus tard le flipper, à l’Hôtel de France (« Chez Raby »), Chez Duperroux (Café des Négociants) et au café du Parc, route de Roanne, le billard chez Leteniec à l’entrée du pont. Avec les beaux jours, certains poussaient jusqu’à l’auberge du viaduc à Saint-Prix, chez les époux Sarti.

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La classe 65 de Lapalisse

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Très tôt, les magasins Guéneau et Mouton se mirent à vendre des 45 tours et des transistors, tandis que la jeune clientèle des marchands de journaux de la ville (M. et Mme Bertuet, à côté du monument aux Morts, Mme Jame sur la Nationale et Mme Guillot à l’entrée du pont) dévorait Pilote ou Salut les copains. Grâce au cinéma et aux magazines, la mode américaine déferla au cours des années 50 sur notre ville : alors que les marchands ambulants du marché contribuèrent souvent à cette époque à introduire de nouvelles modes, le magasin Trimouille, installé avenue Roosevelt fut ainsi le premier à commercialiser des jeans et des blousons en cuir à la coupe étriquée. Seule l'Algérie vint ternir ces jours heureux. Beaucoup d'enfants de l'expansion perçurent l'envoi du contingent de l'autre côté de la Méditerranée comme une sorte de trahison jetée à la figure de cette jeunesse que l'on avait fini par persuader qu'elle ne connaîtrait plus la guerre.
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Le 10 juillet 1966, est aujourd’hui une date oubliée à Lapalisse, mais ce fut sans doute ce jour là qu’une grande partie de la population se rendit compte que les choses avaient vraiment changé. Invitée dans le cadre d’un Congrès départemental des Anciens Combattants, organisé par l’abbé Déret au stade municipal, Dalida dut sortir de scène escortée d’un côté par l’abbé et de l’autre par le maire de l’époque, Lucien Colon, tant l’ardeur des admirateurs était oppressante.

A mon sens, quatre événements marquent la fin de ces années de mutation à Lapalisse :

  • La fermeture de l’école privée Notre-Dame en 1965, dernier héritage de la société bourgeoise du XIXe siècle
  • La construction de l’ensemble HLM de Clair-Matin en 1967-1969 : Lapalisse fit alors l’apprentissage de la verticalité
  • L’ouverture du Collège de la ville en 1968 préparant la marche vers la massification de l’enseignement

  • La création d’une Association de Jeunes en 1969, point d’orgue de la montée en puissance de la jeunesse.

    Les années 70 débutaient, leur histoire reste à écrire…
S. HUG

HUGSTEPHANE@aol.com


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Je tiens à remercier tous les habitants de Lapalisse ainsi que les expatriés qui m'ont confié leurs souvenirs. Un remerciement particulier à Jean-Pierre Chervin, éternel amoureux de sa ville natale, qui fut au coeur de ce projet en m'apportant une aide documentaire de chaque instant.

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