Si cette recette est une pièce maîtresse du patrimoine culinaire de notre province, les avis divergent quant à ses origines : pour certains, elle aurait été mise au point par un curé de la région montluçonnaise, pour d'autres, plus nombreux, elle prit naissance au début du XIXe siècle dans la région de Lapalisse.
En 1815, au lendemain de la défaite de Waterloo, une bonne moitié nord de la France fut occupée par les troupes coalisées. Des Wurtembourgeois, des Autrichiens et des Russes stationnèrent de la sorte dans le Pays de Lapalisse. D'après la mémoire collective, un détachement de cavaliers autrichiens prit ses quartiers chez les Maillant-Duchambais à Droiturier. La cuisinière de la maison prit l'habitude de seconder le cuisinier de l'officier dans la préparation de mets "à l'autrichienne". Quelques mois après le départ des Autrichiens, cette même cuisinière servit, au cours d'un repas concluant une partie de chasse organisée par M. Duchambais, un lièvre à "l'autrichienne" où vinaigre et crème fraiche se mariaient harmonieusement dans une sauce onctueuse. La renommée de cette recette ne faisait que commencer. Si, peu à peu, les bases de la sauce à la Duchambais se fixèrent, elle n'accompagna plus seulement du lièvre, mais plus couramment du canard.
Comme souvent, la longueur et les précisions de certaines recettes de cuisine décourageraient toutes les bonnes volontés à force de les présenter comme autant de sommets à vaincre. Cependant, dans la réalité, les choses en vont autrement : votre serviteur s'est essayé au Canard à la Duchambais, personne sous son toit n'a eu à en souffrir...
Fort heureusement, Thierry Wirth, auteur bien connu des Vichyssois, nous a aimablement communiqué la recette de la sauce et du canard à la Duchambais contenue dans son ouvrage Le Mangement bourbonnais (Editions des Trois Roses - 2003).
Ce classique bourbonnais est le résultat de l’utilisation de la fameuse sauce Duchambais (voir à ce chapitre).Pour ce faire, découper un canard en morceaux et le faire revenir à la cocotte avec du lard et de l’échalote grossièrement hachés. Déglacer avec un demi-verre de vinaigre et mettre un peu de farine et le foie émincé. Passer au four quelques minutes. Mouiller de bouillon. On peut aussi utiliser le vin de Saint-Pourçain à la place du bouillon. Rectifier l’assaisonnement.Cuire au four couvert. Terminer avant de servir avec une bonne louche de crème.Certains n’ajoutent le vinaigre qu’au moment de servir, au lieu de déglacer avant la cuisson.On voit qu’il existe des variantes importantes (vin au lieu de bouillon, déglaçage ou pas, huile de noix pour dorer les morceaux avant de mettre le lard, marc avant le vin…) typique des recettes régionales qui varient suivant les cantons, et j’allais même dire, suivant les familles.
LA SAUCE DUCHAMBAIS
Sauce typiquement bourbonnaise qui se sert avec tous les rôtis : boeuf, veau, porc mais aussi les volailles et le fameux canard à la Duchambais.Le nom de Duchambais serait selon certains, celui d’un curé de l’ancien régime.Voici d’abord la recette de base :Faire revenir du lard maigre avec de l’échalote hachée. Si on a des débris de viande, les faire roussir et les ajouter. Mettre un peu de farine, persil, cerfeuil, thym et laurier. Lorsque le tout est bien “tombé”, mouiller d’un verre à liqueur de vinaigre et d’un litre de bouillon.Cuire une heure et demie. Passer la sauce, ajouter un bon verre de crème et laisser bouillir jusqu’à formation d’une sauce onctueuse.Il existe une recette plus élaborée que consigna jadis le président de la société gastronomique “Le Piquenchâgne”. Elle provient parait-il d’une famille de Montluçon depuis plus de 150 ans à travers les générations.La voici dans son intégralité:“Le râble de lièvre, ou de lapin, ou de chevreuil, ayant préalablement mariné pendant quelques jours, on le fait rôtir au four bien enduit de beurre, et même pour le lièvre ou le lapin, on peut le barder d’une légère barde de lard de chaque côté.Il reste bien entendu que la marinade a été faite avec un bon vin vieux rouge assez corsé; marinade à froid : oignons en rondelles, carottes, persil, thym (pas de laurier), une bonne cuillerée d’huile d’olive, une ou deux de vinaigre, sel, poivre; gibier arrosé et retourné plusieurs fois.Donc le rôti est au four; arroser souvent; au moment de déglacer, au lieu d’employer de l’eau pure on ajoute une cuillerée de porto ou de madère pour deux cuillerées d’eau et un peu de marinade.Pendant ce temps, mettez dans une casserole une tranche de foie de veau pour la faire cuire à l’étouffée avec du beurre frais; qu’elle ne soit pas desséchée. Hachez-la finement, puis pilez-la au mortier en ajoutant un peu de vin rouge pour en faire une pâte extrêmement fine, une sorte de purée onctueuse; la passer au tamis très fin. La réussite de la sauce exige qu’on ne reconnaisse pas, en la dégustant, les grains de foie de veau, qui doit servir de liaison, un peu comme la farine.Incorporer de la moutarde peu à peu dans le foie pendant qu’on le malaxe dans le mortier.Pendant cette opération, dans le beurre qui a cuit le foie, couper un oignon et une demi gousse d’ail et faire dorer légèrement. Puis enlever l’oignon et l’ail et commencer le roux de la sauce avec une bonne cuillerée de farine; pour donner au roux une belle couleur, ajouter une pincée de sucre en poudre. Le roux doit être mouillé avec le même vin que celui de la marinade. Pour ne pas faire la sauce trop épaisse, ajouter un peu de bouillon.`Verser alors dans la sauce le foie pilé avec la moutarde en tournant toujours avec la cuillère en bois. Quand la sauce est arrivée à l’ébullition, la passer dans une passoire fine et la laisser bouillir sur le coin du fourneau après y avoir ajouté du porto ou du madère, en tournant de temps en temps. Cette sauce gagne à mijoter assez longtemps à feu doux après que le roux a été fait.Un quart d’heure environ avant de servir, mélanger de la crème fraîche à la sauce et au dernier moment le jus de cuisson du rôti; la sauce doit rester assez épaisse et onctueuse, comme une crème.Naturellement, la sauce est assez relevée en sel et poivre.Pour servir, on nappe le rôti de quelques cuillerées de la sauce et le reste est servi dans une saucière bien chaude.Proportions : 75 gr de foie, un grand verre de bon vin vieux rouge, un verre de madère ou de porto, un grand verre de crème fraîche, 2 cuillerées de moutarde, sel, poivre, une pincée de sucre en poudre, une gousse d’ail, un oignon, un peu de bouillon, la marinade. Ces proportions conviennent pour six personnes de bon appétit.Commencée la veille et bien réchauffée, pour y adjoindre au dernier moment le jus de rôti et la crème, elle n’en est que meilleure”.Et d’ajouter quelques considérations : “On peut sans crainte forcer sur les épices; personnellement, j’emploie plusieurs gousses d’ail, quatre ou cinq qui, bien cuites, n’ont pas d’inconvénient. Je préfère le foie de porc, trouvant que sa saveur s’allie mieux que celui du veau à celle du gibier.
S. HUG