vendredi 23 décembre 2011
Le chanteur de Noëls (Alfred Meilheurat - Physiologie du Moulinois)
jeudi 22 décembre 2011
LES CARNETS DE BORVO : l'archipel bocager.
Les paysages de bocage dessinent un large arc posé au cœur du Bourbonnais. Onze entités communautaires se partagent cet héritage bocager : Pays de Chevagnes, Communauté d’agglomération de Moulins, Bocage Bourbonnais, Pays de Lévis, Bocage Sud, Pays de Montmarault, Com com Sioule-Colettes-Bouble, Com com de Commentry-Néris, Pays de Marcillat, Communauté d’agglomération de Montluçon et Pays d’Huriel.
Au point de vue territorial, au-delà d’une identité paysagère et historique commune, le bocage peut être comparé à un archipel. Le poids, l’étendue et le rayonnement des agglomérations moulinoises et montluçonnaises (s’étendant à elles deux sur plus d’un quart des communes bocagères) organisent en effet l’espace bocager en une géographie bipolaire laissant à ses marges un vaste système périphérique.
Les espaces bocagers gravitant dans l’orbite de Moulins ou de Montluçon prennent l’aspect de campagnes gagnées de façon interstitielle par la rurbanisation et possédant une bonne dynamique démographique même si les zones les plus proches des centres-villes commencent à perdre des habitants au profit d’une seconde couronne plus lointaine (vers l’ouest pour Montluçon et dessinant un vaste croissant oriental pour Moulins et son agglomération). Au point de vue fiscal, ces espaces bocagers polarisés sont des terres de revenus plus élevés que la moyenne bourbonnaise. Alors que le Pays de Commentry-Néris fait partie du territoire social et économique du Grand Montluçon, le triangle du Pays de Bourbon (Bourbon-l’Archambault-Souvigny-Moulins) est résolument à rattacher à l’aire de rayonnement moulinoise.
Les espaces bocagers périphériques sont généralement marqués par la thématique de la déprise démographique (entre 25 et 50 habitants par kilomètre carré avec des pertes de population de l’ordre de 10 à 30 % durant les trente dernières années). Néanmoins, la plupart des bourgs-centres organisant ces espaces périphériques ont plutôt bien résisté à cette érosion démographique : Tronget est ainsi passé de 1000 habitants en 1982 à 932 en 2007, Le Montet de 544 à 510, Cosne-d’Allier de 2454 à 2195, Bellenaves de 1100 à 1041, Chevagnes de 720 à 700, Lurcy-Lévis de 2300 à 2134, Huriel de 2347 à 2460, Marcillat-en-Combraille de 976 à 907, Montmarault de 1443 à 1574, Villefranche-sur-Allier de 1272 à 1331, Doyet de 1191 à 1224, Ebreuil de 1222 à 1265. Dans ce concert Hérisson et Ygrande font figure d’exceptions, situées à mi-chemin entre les aires de rayonnement de Moulins et de Montluçon et touchant la zone démographiquement déprimée de Tronçais. Ygrande est ainsi passée entre 1982 et 2007 de 900 à 768 habitants, Hérisson de 872 à 680 habitants.
Si la plupart des communautés de communes de l’archipel bocager peinent à développer l’économie de leur territoire, notons toutefois la vitalité de l’axe Villefranche-sur-Allier/Montmarault situé au carrefour de l’A71 avec la RCEA. Alors que le tissu économique de Villefranche est dominé par la SOCOPA (alliée depuis 1980 au Groupe Coopératif de Villefranche créé en 1956) qui transforme chaque semaine en pièces de boucheries conditionnées environ 850 charolais, Montmarault profite à plein de sa rente de situation à moins d’un kilomètre d’une sortie de l’A71 (mise en service en 1989) et possède désormais cinq zones d’activités (Route de Moulins, 18 ha – 17 entreprises, Grands Champs, 12 ha – 6 entreprises, La Plume, 6 ha – 4 entreprises, Route de Sazeret, 10 ha – 2 entreprises, ZAC du Château, 45 ha).
vendredi 16 décembre 2011
1851-2011 : retour sur la résistance donjonaise au Coup d'Etat du 2 décembre. Dernier volet : ordre napoléonien et lieux de mémoire.
Les 21 et 22 décembre, les électeurs du département de l’Allier approuvèrent l’instauration d’un pouvoir fort par 69 932 OUI contre 1 326 NON, ce qui, au passage, permet de nuancer les certitudes de l’historiographie régionale quant à la chronologie des « campagnes rouges bourbonnaises ». Aidée par des détachements de cavalerie, la remise en ordre bonapartiste put s’opérer rapidement dans le département de l’Allier. 852 républicains furent arrêtés et, à partir du mois de mars, des commissions mixtes (chambres mi-civiles, mi-militaires) instruisirent et jugèrent selon une procédure d’exception les personnes reconnues d’actes de rébellion. 246 furent déportés en Algérie, 11 à Cayenne, 100 autres furent internés et, enfin, cinq peine de mort par contumax furent prononcées.
Du côté Lapalissois, même si aucun habitant de la ville ne participa directement à l’émeute, ving-quatre d’entre eux furent jugés et neuf furent transportés en Algérie : le notaire Etienne Rocher, le clerc de notaire Jean Amaury, Claude Blettery, sans profession, le cordonnier Guillaume Ducoin, le serrurier Guillaume Dereure, le comptable Claude Lefaucheur, l’aubergiste Jean-Baptiste Maguet, le charcutier Joseph Minard, le voiturier Jean Papon. La plupart rentrèrent d’exil, par le port de Sète, entre le mois de janvier et le mois de mars 1853. Gilbert Ducoin mourut à Blida, en Algérie, en 1873 où il était devenu sous-directeur de la Caisse d’Epargne locale. Etienne Rocher, après avoir été mis en résidence surveillée à Douéra, s’établit à Alger où il mourut en 1895. Une loi de réparation nationale promulguée le 30 juillet 1881 en faveur des victimes du 2 décembre 1851 dédommagea sous forme de pensions ou de reversions les personnes jugées ou leurs ayants-droits.
Deux lieux de mémoire. Une souscription fut ouverte au printemps 1852 pour édifier un petit monument funéraire sur la tombe du gendarme Lemaire. Notons au passage que l’évêque de Moulins, Mgr de Dreux –Brézé, prit en charge l’éducation de la fille unique du maréchal-des-Logis tombé sous les balles de Donjonais et la dota d’une rente une fois arrivée à sa majorité. Des aides publiques furent également allouées à la veuve du gendarme. En 1882, lors de la victoire d'Honoré Préveraud aux législatives, les partisans du républicain donjonais dégradèrent cette tombe qui portait alors une grandiloquente inscription sur son socle. En 1905, le comité de la Libre-pensée lapalissoise demandait encore la suppression de cette inscription jugée provocatrice. On ignore à quelle date la partie la plus "réactionnaire" de l'épitaphe fut définitivement martelée.
L'idée d'ériger un monument dédié aux victimes du coup d'Etat du 2 décembre 1851 fut lancée par Antoine Hugon, maire de Saint-Prix, dans un discours prononcé en mai 1905 lors des obsèques d'Edmond Bourrachot, l'un des plus fervents républicains donjonais du 4 décembre 1851. Il fallut attendre la fin de l'année 1907 et l'arrivée à l'Hôtel de ville de Lapalisse de Jean-Baptiste Baudon, radical-socialiste, pour que le projet trouve enfin un écho favorable auprès de la municipalité. Un comité fut organisé : M. Hugon en fut le président, MM. Baudon, maire de Lapalisse et Bonnet, maire du Breuil, vice-présidents, M. Rambaud, cordonnier en fut le trésorier et M. Chervin, instituteur, secrétaire. Une souscription fut ouverte auprès du public et des maires républicains du département. Le Conseil général et la Mairie de Lapalisse mirent la main à la poche, mais l'argent peina à être rassemblée. Alors que l'on prévoyait un monument en granit du Mayet, on se résolut à utiliser la pierre de Villebois, moins chère. L'emplacement du monument déclencha également une vive polémique. Pour l'ériger, J.B Baudon autorisa le déplacement d'une croix qui fut reléguée au coeur du cimetière de la ville. Par ailleurs, M. Balleydier, dont le mur de la propriété touchait à l'emplacement réservé au futur monument mena une véritable guérilla juridique afin que "la borne" ne soit pas collée à son mur...
Achevé en 1913, le monument, dont le socle renferme un parchemin sur lequel figuraient les 140 noms des héros du 4 décembre 1851, ne fut inauguré qu'en 1922. Ce monument devint vite un lieu de mémoire pour tous les républicains locaux. Aussi, ce fut à ses pieds que se déroula la grande manifestation antifasciste du 1er juillet 1934. Près de 3 000 personnes investirent ce jour là les abords de la mairie, de la sous-préfecture et du champ de foire afin de témoigner de leur volonté de défendre les valeurs républicaines face à la montée des ligues d'extrême-droite.
Le 2 décembre 1951, la municipalité de Charles Bécaud, ancien résistant et déporté, organisa les cérémonies du centenaire de la résistance républicaine au coup d'Etat du 2 décembre 1851 en présence du Préfet de l'Allier, du sous-préfet de Vichy, de M. Auberger, sénateur, M. Migay, député, M. Lamoureux, ancien ministre et M. Rougeron, président du Conseil général de l'Allier.
Depuis 2006, chaque début décembre, des élus, des membres ou de simples sympathisants des partis de gauche font revivre, le temps d'une cérémonie, la mémoire des républicains de 1851.
lundi 12 décembre 2011
LES CARNETS DE BORVO : la sphère moulinoise.
Depuis le début des années 1980, la promotion de la ville de Moulins est donc devenue une priorité municipale. Après avoir joué sur l’image d’une cité sportive sous les mandats d’Hector Rolland (1971-1989), Pierre-André Périssol, maire de Moulins depuis 1995, essaye de promouvoir le patrimoine de la ville et de développer son potentiel touristique : classement en tant que Ville d’Art et Histoire en 1997, ouverture du Centre National de l’Illustration dans l’Hôtel de Mora en 2005, inauguration enfin, dans l’ancienne caserne Villars totalement rénovée, du CNCS (Centre National des Costumes de Scène, qui conserve près de 10 000 pièces) en juillet 2006.
Pourtant, la défense de l’identité moulinoise, se confondant souvent avec celle de toute la province, commença très tôt avec la création de la Société d’Emulation du Bourbonnais en 1846 et de la Société des Etudes Locales en 1920. Citons également ici les travaux d’Alfred Meilheurat et sa Physiologie du Moulinois (1843), de Marcel Génermont fondateur des Cahiers Bourbonnais et auteur notamment de Jacquemart, doyen des Moulinois (1938), et de Marie Litaudon, Moulins en 1460 (1947) et Moulins en 1660 (1961).
Au point de vue économique, le poids des services, des commerces et des administrations est particulièrement fort à Moulins où le secondaire n’a jamais réussi à dépasser la barre des 20 %. La répartition des activités économiques sur le territoire de l’agglomération moulinoise est intéressante à noter. Alors que la ville de Moulins concentre l’essentiel des fonctions administratives, des services territoriaux et des petits commerces, les grandes surfaces commerciales et les grandes unités industrielles et tertiaires sont établies sur les communes d’Yzeure (12 500 h – société BOSCH - 320 employés) et d’Avermes (3 800 h – Parc Moulins-Foire-Expo, les sociétés Potain, 250 employés, JPM, 400 salariés, base logistique Intermarché 200 salariés, Centre Leclerc 200 salariés). Cette distribution spatiale trouve son corollaire dans la géographie politique de l’agglomération : alors que la ville de Moulins est résolument ancrée à droite, Yzeure et Avermes sont votent elles à gauche.
Dans les années à venir, la fonction de carrefour (RCEA – RN9 et RN7) pourrait, si elle est convenablement exploitée, constituer un atout de taille pour l’agglomération moulinoise. En revanche, l’activité de l’aérodrome de Moulins-Montbeugny n’a jamais véritablement décollée. La ville de Moulins, en tant que Préfecture, offre une gamme très complète d’administrations et de services et possède un panel de commerces relativement étoffé. Le Centre Hospitalier et la Clinique Saint-Odilon contribuent au pouvoir d’attraction de Moulins. A cela s’ajoute, le rayonnement de l’Evêché, un IUT créé en 1996, des Lycées dont le fameux Banville (classes prépas), des cinémas, mais en revanche l’agglomération présente une réelle faiblesse au niveau des salles de spectacles. Le pouvoir médiatique de Moulins est également limité : aucun quotidien moulinois (seule existe une agence du quotidien clermontois La Montagne), on y trouve également le siège de l’hebdomadaire La Semaine de l’Allier et les studios de France3 Auvergne-Moulins.
L’aire d’influence de Moulins est plutôt stable depuis plusieurs décennies, s’étendant à toute la moitié nord du département de l’Allier et aux marges sud du département de la Nièvre (la ville de Nevers a seulement 50 kilomètres de Moulins en limite son influence septentrionale).
Au niveau historique, la première mention de Moulins remonte à 990. En 1232, le sire de Bourbon Archambaud VI octroie une charte de franchises aux habitants de la ville de Moulins qui fut la capitale du duché de Bourbon entre 1327 et 1523. Dans la seconde moitié du XVe siècle, la cour ducale de Moulins atteint son apogée sous Pierre II et Anne de France (nombreux artistes dont le fameux Maître de Moulins, peintre encore anonyme).
Héritière d’une tradition locale du travail du cuir, le chausseur Bally employa jusqu’à 500 employés au début des années 1980. Entamant ensuite un long déclin, le site ferma définitivement en 1999 après une vaine tentative des employés pour l’administrer.
Thomson s’installa à Moulins à la fin des années 1950 en créant un atelier d’assemblage de postes de télévision (150 emplois originels). Au milieu des années 1960, le site moulinois employa plus de 900 personnes. La décennie 70 fut marquée par une série de crises et d’espoirs, mais l’usine Thomson ferma définitivement au début des années 80.
La société Potain s’installa à Avermes en 1959 par le rachat de la fabrique de wagons miniers Decauville. Spécialisée dans la conception de grues, la société Potain fut d’ailleurs le leader mondial dans ce secteur au cours des années 1970 (250 employés environ). A partir des années 1990, Potain connut un recul de son activité. En 2001, Potain Moulins fut racheté par le leader mondial Manitowoc avec une petite centaine de salariés.
La société JPM fut fondée en 1970 par Paul Chauvat, futur maire de Moulins entre 1989 et 1995. Spécialiste de la serrurerie. JPM cessa ses activités en 2013 supprimant de la sorte près de 200 emplois. Enfin, au début des années 1960, l’équipementier automobile Ducellier-Bendix-Air-Equipement s’installa à Yzeure et employa jusqu’à 600 personnes. En 1996, le site fut repris par BOSCH qui réduisit les effectifs à 370 personnes. Fabriquant désormais des systèmes de freinage ABS, le site n’emploie plus que 320 personnes.
dimanche 4 décembre 2011
1851-2011 : retour sur la résistance donjonaise au Coup d'Etat du 2 décembre. Troisième volet : Du sang sur le pavé.
Dehors, le gros de la troupe donjonaise n’avait pas perdu de temps et s’était appliqué à édifier une barricade à la hauteur du presbytère. Vers 8 h 30, sept gendarmes de la caserne de La Palisse, suivis par une escouade de pompiers et de gardes nationaux se placèrent au pied de l’actuelle rue de la Fraternité. A mi-pente, le lieutenant Combal fit signe à ses hommes de lancer une charge. Un tir nourri barra cette charge. Le Maréchal-des-logis Lemaire fut tué sur le coup, les gendarmes Busson et Jaillard furent grièvement blessés, les quatre autres membres de la charge furent plus légèrement touchés et battirent en retraite. L’intensité du feu donjonais mit en déroute le corps des pompiers et des gardes nationaux. Le sous-préfet profita le l’émotion générale pour s’enfuir par la cure de l’église, enjamba le mur qui la séparait du jardin de la sous-préfecture, gagna les écuries, y harnacha à la hâte un cheval et fila au galop par l’actuelle route de Bert. Ci-dessous : plan des affrontements de La Palisse dressé par l'historien cussétois Jean Cornillon (1845-1936) et publié dans son étude sur Le coup d'Etat du 2 décembre 1851 dans le département de l'Allier. (Pour agrandir l'image : clic droit, puis ouvrir le lien)
A deux heures du matin, le 5 décembre, les Donjonais étaient de retour dans leur bourg où ils tinrent conseil sur la suite à donner à leur rébellion. Très vite, ils prirent la décision de se séparer, de se cacher ou de s’enfuir. Honoré Préveraud gagna la Belgique, Bourrachot Père, Felix et Adolphe Terrier, de Nolhac, Fagot, Pélassy et Jules Préveraud se réfugièrent en Suisse. Les deux frères Bourrachot furent arrêtés à quelques kilomètres de la frontière suisse, Philibert Bonnet et Léon Préveraud furent quant à eux appréhendés à Roanne, le chemin de l’exil d’Ernest Préveraud fut stoppé net à Saint-André et celui de Georges Gallay s’arrêta à Nantua.
samedi 3 décembre 2011
1851-2011 : retour sur la résistance donjonaise au Coup d'Etat du 2 décembre. Deuxième volet : Investir La Palisse.
Le 3 décembre, vers 16 h 00, la directrice des Postes ouvrit le courrier officiel venant de Paris et découvrit les décrets pris l’avant-veille par le Prince-Président. D’Olivier et De la Boutresse furent immédiatement avertis. On fit détacher les cordes des cloches de l’église afin d’empêcher de sonner le toscin. En moins d’une heure, le camp républicain fut également au courant du Coup d’Etat et se rassembla comme un seul homme devant la mairie du Donjon. En quelques minutes, D’Olivier, De la Boutresse et une demi-douzaine de conservateurs patentés furent arrêtés et placés en chambre de sûreté. Quant aux gendarmes donjonais, ils furent désarmés et consignés dans leur caserne sans montrer la moindre résistance. A neuf heures du soir, le sous-préfet de La Palisse, Antoine de Rochefort reçut un message envoyé par l’épouse du juge de Paix d’Olivier et porté par un domestique l’informant de la situation au Donjon. Pendant ce temps, des contingents républicains venant des communes de Lenax, Neuilly-en-Donjon, Luneau et Montaiguet-en-Forez arrivèrent au Donjon. Par un froid vif, le 4 décembre, à deux heures du matin, les insurgés donjonais, emmenant avec eux leurs prisonniers, se mirent en route pour La Palisse dans le but de prendre la sous-préfecture. A sept heures du matin, la ville des bords de Besbre était enfin en vue, un drapeau rouge flottait au dessus de la troupe. La mémoire collective donjonaise prétend même que ce drapeau avait été confectionné avec la doublure écarlate du manteau d’hiver du pharmacien Pélassy. Les Donjonais formèrent deux colonnes et descendirent l’actuel le avenue Pasteur. A la hauteur de l’entrée du foirail, les deux colonnes d’insurgés furent stoppées par une ligne formée d’une trentaine de pompiers et de gardes nationaux commandés le maire de La Palisse Pierre-Antoine Meilheurat et un vieux capitaine Bouquet, vétéran de l’Empire. Accouru, le sous-préfet Rochefort se plaça en avant de cette ligne de barrage et demanda aux insurgés de s’identifier, aussitôt, un cinglant « Républicains du Donjon ! » s’éleva des deux colonnes. Des deux côtés, les armes furent immédiatement préparées.
vendredi 2 décembre 2011
1851-2011 : retour sur la résistance donjonaise au Coup d'Etat du 2 décembre. Premier volet : désirs d'ordre, désirs de démocratie (1847-1851)
Depuis 1846, toute l’Europe occidentale était en effet plongée dans une crise économique qui trouvait son origine dans une série de mauvaises récoltes. Du coup, bien que les prix agricoles flambaient, les revenus de la paysannerie, premier marché de consommateurs, chutèrent lourdement, grevant en ricochet toute l’activité industrielle européenne. La sortie de crise n’apparut que durant l’année 1852.
Notre Bourbonnais, profondément rural, fut bien entendu durement touché par cette crise et cela d’autant plus que les approvisionnements en céréales d’une province à l’autre étaient encore handicapés par la faiblesse de la circulation de l’argent et un réflexe de cloisonnement territorial qui réapparaissait immédiatement en temps de crise. En 1847, à Varennes-sur-Têche, une troupe de 40 personnes investit le château de Précord et emporta les grains du sieur Tain, fermier du lieu. Le degré de politisation des couches populaires bourbonnaises est à cette époque une question difficile à résoudre, faute de sources suffisantes. Si, d’une façon générale, l’opinion publique bourbonnaise n’appréciait guère le virage autoritaire pris par la Monarchie de Juillet, on ne peut pas dire que notre département grouillait de révolutionnaires. Il existait néanmoins quelques foyers d’agitation proches des idées socialistes à l’image de celui des mineurs de Bert, situé à quelques kilomètres de Varennes-sur-Têche, et qui était étroitement surveillés par le sous-préfet de Lapalisse.
La Révolution de février 1848, la proclamation de la République suivie de l’instauration du suffrage universel masculin furent bien accueillis en Bourbonnais et le passage d’un régime à l’autre ne donna pas lieu à des incidents notables. Alors que la solution des Ateliers nationaux ne parvenait en rien à juguler les effets de la crise économique, les espoirs placés par le peuple dans l’avènement d’une République sociale s’évanouirent au fil des semaines face à une bourgeoisie qui choisit la voie du retour à l’ordre. Ce fut en mai 1849, alors que la Capitale bouillonnait une nouvelle fois que se produisit la célèbre affaire de la Brande des Mottes. Dans la nuit du 14 au 15 mai, alors que l’on attendait avec fièvre des nouvelles de Paris où, d’après les rumeurs, des émeutes avaient éclatées, un rassemblement de sept à huit cents paysans se forma à La Brande des Mottes (entre Nocq et Huriel) dans le but de marcher sur Montluçon et Moulins. Aucun incident ne fut à déplorer et, faute de nouvelles, la troupe se dispersa dans le bocage. Toutefois, la peur de faire face à une véritable jacquerie secoua la Préfecture de Moulins qui, dans les mois qui suivirent, fit surveiller avec un zèle redoublé les clubs politiques du département et les meneurs jugés trop républicains.