mercredi 20 janvier 2010
Un instit en politique : Alexandre-Felix Puechmaille
mardi 19 janvier 2010
lundi 18 janvier 2010
Une vieille expression lapalissoise : la vache de Chabert
vendredi 15 janvier 2010
LAPALISSE FOCUS 50-60 - Troisième partie -
Retrouvez la première partie de Lapalisse Focus 50-60
Mais gardons-nous bien de percevoir cette société lapalissoise comme un monde immobile. Dès le début des années 1950, le trafic routier s’intensifia sur la Nationale 7, posant déjà la question de la sécurité dans la traversée de la ville. En 1955, les premiers feux tricolores furent placés au carrefour de l’Hôtel de France afin de mieux réguler les flux automobiles. L’entrée dans l’âge de la voiture nécessita de repenser l’offre touristique de la ville. En 1947, Joseph Liard, l’une des plus grandes figures lapalissoises du XXe siècle et qui était alors conseiller municipal, proposa d’illuminer chaque week-end le château afin de marquer l’esprit des automobilistes empruntant la Route bleue. Par ailleurs, la famille de Chabannes ouvrit peu à peu son château aux visiteurs guidés à l’époque par M. Woreth, marchand de vaisselle sur le boulevard de l’Hôtel de Ville. A partir de 1955, un spectacle Son et Lumières mit en scène l’édifice en faisant revivre la chevalerie médiévale. La promotion touristique de Lapalisse dut également beaucoup à Gilbert Barthelot, industriel et maire de la ville de 1953 à 1959. Il créa le camping municipal, dynamisa le Syndicat d’initiatives, rêva de faire de notre ville une étape gastronomique et projeta même à une époque de planter des palmiers rustiques le long de la Nationale 7 afin de donner un peu plus de cachet à cette route des vacances. Dans les colonnes de La Liberté du 5 décembre 1955, l’assureur René Périchon, alors Président du Syndicat d’initiatives résumait en quelques mots le secret de la réussite touristique : « Montrez-vous serviables envers tous les touristes et estivants, rendez accueillante notre ville, qui, je dois le reconnaître, est déjà très coquette. Tenez les trottoirs propres, ayez toujours des vitrines bien faites et bien éclairées, des devantures bien peintes. Mettez des fleurs à vos fenêtres et à vos balcons. Hôteliers, soignez vos menus. »
L’expansion, que tout le monde appelait de ses vœux et dont on entendait sans cesse parler à la radio ou dans les journaux, finit par débouler à Lapalisse, en 1958, lorsque l’Ecole ménagère (l’actuel Lycée Antoine-Brun) sortit de terre, avenue de la Gare. Cinq ans plus tard, la première zone industrielle lapalissoise voyait le jour, avenue de Verdun.
La modernité pénétra peu à peu les foyers lapalissois, le cheval disparut définitivement des rues et les laveuses se firent de plus en plus rares autour des lavoirs et sur le quai. Les vieilles glacières familiales (on achetait alors la glace, sous forme de gros pains, chez le limonadier Grau-Mouillevois, rue du Marché) furent remplacées par les premiers frigidaires achetés chez Depeyre ou chez Guéneau. La fermeture, en 1955, de l’usine à gaz dopa en quelques mois les achats de cuisinières fonctionnant grâce à des bombonnes. En 1957, pour répondre à la diffusion de plus en plus forte d’appareils électroménagers, le vieux 110 volts fut abandonné pour le 220. Parallèlement, alors qu’il n’y avait qu’une centaine d’abonnés du téléphone en 1950, leur nombre fut multiplié par quatre durant les années 50-60. Mais une autre révolution était déjà en route, celle de la TELEVISION. Les premiers postes firent leur apparition à Lapalisse autour de 1950, dans quelques foyers aisés (chaque poste valait alors le prix d’une automobile bas de gamme !) comme par exemple chez André Boufferet, le charismatique président de l’Union vélocyclopédique ou chez le pharmacien Chéradame. Quelques bistrots de la ville s'équipèrent comme le Café des Sports (tenu par M. et Mme Liard), La Marguerite (tenu par les époux Buvat) ou l'Hôtel de France. Très vite, la télévision trôna derrière les vitrines des magasins Guéneau (avenue Roosevelt) et Mouton (rue du Marché). L’abaissement progressif du prix des téléviseurs durant les années soixante permit l’équipement d’un peu plus de la moitié des foyers lapalissois.
Le baby-boom bouleversa Lapalisse à l’image de tout notre pays. L’œil communautaire s’adoucit en découvrant un nouvel état : l’adolescence. La jeunesse, de plus en plus nombreuse, devint un marché à satisfaire. Elle investissait chaque jour un peu plus les rues et les places tout en créant ses propres lieux de sociabilité : le jardin public, entretenu et surveillé d’une main de fer par le père Rochette, mais aussi et surtout le café des Sports (« Chez Domi ») sur la place du Marché, tout contre le Palace, où les jeunes se retrouvaient pour jouer au baby-foot et au ping-pong. Toujours le baby-foot, puis un peu plus tard le flipper, à l’Hôtel de France (« Chez Raby »), Chez Duperroux (Café des Négociants) et au café du Parc, route de Roanne, le billard chez Leteniec à l’entrée du pont. Avec les beaux jours, certains poussaient jusqu’à l’auberge du viaduc à Saint-Prix, chez les époux Sarti.
A mon sens, quatre événements marquent la fin de ces années de mutation à Lapalisse :
- La fermeture de l’école privée Notre-Dame en 1965, dernier héritage de la société bourgeoise du XIXe siècle
- La construction de l’ensemble HLM de Clair-Matin en 1967-1969 : Lapalisse fit alors l’apprentissage de la verticalité
- L’ouverture du Collège de la ville en 1968 préparant la marche vers la massification de l’enseignement
- La création d’une Association de Jeunes en 1969, point d’orgue de la montée en puissance de la jeunesse.
Les années 70 débutaient, leur histoire reste à écrire…
HUGSTEPHANE@aol.com
jeudi 14 janvier 2010
LAPALISSE FOCUS 50-60 - deuxième partie -
L’année lapalissoise était en ce temps marquée par des moments festifs fédérateurs : la fête patronale de septembre bien sûr, la foire aux "oranges" le 28 décembre dont le coeur battait place du marché, la foire de la Loue dans les Faubourgs en juin, les bals de quartier (le Champ de foire, la Gare et la Petite-Gare), les fêtes champêtres (Chez Choux, Les Brossards, les Minaires), le Carnaval avec la venue des Gilles de Belgique, la kermesse paroissiale, organisée à l’époque dans le parc du château des Vignauds et à l’affiche de laquelle se trouvaient parfois des combats de boxe amateur !
Avec le catéchisme, nous touchons au monde de l’enfance et à celui des apprentissages : l’école, l’Eglise, le foot, l’Union musicale et… la Besbre.
L'Union musicale rassemblée au grand complet lors de la Sainte-Cécile 1964
Intérieur de la classe de 3ème à la fin des années 50 (cours complémentaire de M. Geneste)
A l’époque, l’école maternelle était implantée dans les locaux de l’Ecole des Filles (actuels services de la DDE) et dirigée par Madame Papon. Parmi les enseignantes les plus charismatiques de l’Ecole des Filles, figure en bonne place Mme Saule-Cambret qui marqua les Lapalissois à la fois par ses méthodes d’enseignement inspirées de l’école Freinet (elle pratiquait par exemple le jardinage avec les jeunes filles de son cours élémentaire sur un lopin de terre aménagé à l’entrée du stade municipal) et par son indépendance d’esprit (elle fut la première Lapalissoise à oser se montrer en short dans les rues !). A six ans, les garçons passaient de l’autre côté de l’avenue, au CP de Mme Geneste, puis au Cours élémentaire de M. Deveau et enfin au Cours Moyen de M. Geneste et de M. Bigeau. Une poignée seulement continuait dans le Cours complémentaire où régnèrent M et Mme Parillaud et M. et Mme Dérichard. Les deux premières années de ce Cours complémentaire étaient préparatoires au Brevet et permettaient aux garçons de passer les concours de la fonction publique et à quelques filles de s’orienter vers l’emploi de secrétaire. Une troisième année menait à ce qui était considérée à l’époque comme la voie royale : le concours d’entrée à l’Ecole Normale d’instituteurs et d’institutrices de Moulins. Le Cours complémentaire de Lapalisse accueillait bien entendu les élèves les plus brillants des communes voisines et l’institution jouissait d’une telle excellente réputation que, chaque année, plusieurs élèves venant de Vichy, Cusset et même de Roanne poursuivaient leurs études à Lapalisse. Faute d’internat, la plupart prenaient pension dans des familles des Faubourgs ou de l’avenue de la gare.
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mercredi 13 janvier 2010
LAPALISSE FOCUS 50-60 -Première partie -
Au début des années 1950, le poids de la guerre se faisait encore sentir sur notre ville. La municipalité de Charles Bécaud, lui-même déporté, était principalement composée d’hommes de la Résistance qui, même s’ils regardaient vers l’avenir, communiaient autour d’une « politique du souvenir ». On achevait alors de rebaptiser certaines rues du nom de résistants locaux ou de celui des grands vainqueurs du conflit. Les Anciens Prisonniers de Guerre formaient une puissante et dynamique association qui, chaque année, organisait à l’Hôtel de l’Ecu une soirée dansante étonnement appelée la « Nuit des barbelés ». Si les échanges agricoles avaient vite repris, beaucoup de gens ignorent de nos jours qu’un système de rationnement fonctionna tout de même jusqu’en 1948-1949, notamment pour le charbon et le carburant. Des années noires, notre ville gardait encore deux traces : le marché couvert, partiellement incendié en 1943 par des Résistants, ne fut reconstruit qu’en 1954, quant à la sous-préfecture, déplacée à Vichy en 1941, l’espoir de la voir revenir sur les bords de la Besbre s’amenuisait année après année. Désormais, Lapalisse n’était plus qu’un simple chef-lieu de canton et pour ceux qui l’avaient connue avant-guerre, la ville avait perdu du coup un peu de son urbanité. La guerre était profondément inscrite dans la mémoire des familles qui en avaient souffert et elle rejaillissait devant les yeux de chacun les jours de commémorations. Cependant, la vie avait repris ses droits (les témoignages sont d’ailleurs nombreux à ce sujet) et l’évocation collective de la guerre (au bistrot, au commerce du coin, à l’usine, sur le marché ou sur le champ de foire) était plutôt rare et se faisait même parfois sur un ton badin (un peu à l’image de la clientèle du café Hénault de Tigreville dans Un singe en hiver d’Antoine Blondin). Parmi les anecdotes les plus racontées, figurait en bonne place celle de ce GI’s noir qui, à la fin de l’été 44, perdit le contrôle de son camion, défonça la rambarde du pont et finit coincé dans sa cabine à l’aplomb du lit de la Besbre.
Au début des années 50, Lapalisse était encore fortement immergée dans le monde rural. Le moteur n’avait pas encore totalement relégué le cheval au rang de témoin d’une autre époque. A la forge Boisseau, grande ouverte sur la rue, (aujourd’hui démolie, située à l’angle de la rue Roosevelt et de la Place du marché) presque tous les jeudis, les fermiers des environs avaient encore l’habitude de venir faire ferrer leurs chevaux. Il n’était pas rare de croiser, au détour d’une rue, une charrette ou un véhicule, créé pour les besoins de son propriétaire, tiré par des chevaux : pendant de longues années les marchands de bois et de combustibles de Lapalisse (Maston sur l’avenue de la gare, Bécaud, rue du 4-septembre et Bertucat, rue Baudin) continuèrent ainsi à livrer leurs clients avec des charrettes, M. Buvat, le patron du café de La Marguerite accomplit jusqu'au milieu des années 50 le service d'ébouage pour le compte de la municipalité à l'aide d'un tombereau tiré par un cheval. Combien de Lapalissois se souviennent aujourd’hui que le corbillard municipal eut un cocher jusqu’en 1957 ?
Cliché pris en 1950 juste en face de la librairie Guillot, au bout du pont (collection Getty)
A cette époque, alors que le marché du jeudi dominait la semaine lapalissoise, la foire du deuxième jeudi de chaque mois continuait à faire battre (un peu moins fort qu’avant) le haut de la ville. Tous les jeudis, les Faubourgs (l’actuelle Place de la République) se transformaient en une gare routière improvisée en accueillant l’ensemble des cars qui assuraient les navettes avec les bourgs environnants. Les jours de marché, une animation extraordinaire s’emparait de ces cars ruraux, à l’intérieur desquels les passagers voisinaient avec les caisses grillagées contenant des volailles ou des lapins, avec de grands paniers remplis d’œufs, de légumes frais, de motte de beurre ou de pots de crème. Beaucoup se souviennent encore de l’impressionnant chauffeur de car Dégoutte, un ogre jovial de plus de cent cinquante kilos qui prenait ses quartiers sur la place, dans le café-épicerie Tartarin, afin de s’attarder jusque sur les coups d’une heure de l’après-midi devant un prodigieux casse-croûte.
Le commerce lapalissois vivait en partie de la manne des campagnes. Les paysans venaient régulièrement acheter leur vin chez Roussel, sur la rue Nationale, créant à l’occasion… de beaux embouteillages. Des bouilleurs de crus installaient chaque année leur alambic Place du gaz, Place du Champ de foire, dans l’arrière-cour du café Barnabé (aujourd’hui démoli, rue Winston Churchill), ou bien encore à la Petite-Gare (l’actuelle place Jean Bécaud). De nombreux commerçants lapalissois réalisaient également des tournées quotidiennes ou hebdomadaires dans les campagnes : les boulangeries Marache, Moussière, Lapendry, Chervin, les bouchers Brolles, Rivière, Boufferet, Fafournoux, le Casino, le Familistère, l’épicerie Faure, les vêtements Volpi, Tamin, Laborbe, Bartois et Rousset.
Pour les habitants des villages environnants, Lapalisse était l’image même de la ville. L’usine Barthelot (une centaine d’employés à l’époque) leur ouvrait une fenêtre sur ce monde industriel dans lequel le travail était parcellisé, réglé et où l’on ne touchait sa paie qu’une fois par mois mais en étant sûr à l’avance de ce que l’on allait gagner.
Le tissu urbain lapalissois était encore truffé d’interstices offrant des images venues du passé. Certaines rues étaient encore pavées (la rue Notre-Dame, celle où l’on s’esquintait les genoux à la sortie du catéchisme, mais aussi la rue de la Prairie et une partie de la rue de la Fraternité), de nombreuses Lapalissoises faisaient encore leur lessive dans des lavoirs de quartier (rue de la Prairie, rue Baudin, route de Bert, au bord de la Gièze) ou sur les berges de la Besbre (l’usage de la selle à laver – petite planche inclinée – était encore très répandue). Quelques secteurs de la ville n’étaient pas encore électrifiés à l’image d’une grande partie de l’avenue de la Gare ou de la route de Roanne et le réseau d’adduction d’eau n’atteignait pas encore les quartiers de Montplaisir, des Bruyères et le haut de l’avenue de la Gare. Pourtant, beaucoup de Lapalissois cultivaient alors leur urbanité et il n’était pas rare d’entendre des familles s’enorgueillir de cuisiner et de se chauffer au gaz de ville. Cependant, la vétusté des installations de « l’usine Collignon », comme on l’appelait alors, entraîna sa fermeture en 1955. Pour tenter de réduire la distance sociale qui les séparait des Lapalissois, les gens de la campagne avaient d’ailleurs l’habitude (et ils la conservèrent pendant longtemps) de « s’habiller en dimanche » pour venir dans cette ville où l’on remarquait tout de suite que leur parler roulait encore beaucoup trop d’accents patoisants. En réalité, le langage lapalissois était lui-même entaché d’une belle macule bourbonnaise qui devint d’ailleurs la grande arme de séduction politique de Lucien Colon (maire de la ville entre 1959 et 1971 et conseiller général entre 1951 et 1974) lorsqu’il prenait la parole à l’Assemblée départementale.
Il existait bel et bien une certaine fierté d’être Lapalissois et un indéniable attachement à sa ville. Même si Lapalisse était la porte d’entrée (une authentique ville-étape) du Bourbonnais pour tous ceux qui venaient de Lyon ou de Roanne, être Bourbonnais ne voulait pas dire grand-chose à Lapalisse à une époque où le vaste monde commençait encore aux frontières du quotidien. Lapalisse formait alors un vrai microcosme, au sens premier du terme, c’est-à-dire un petit monde qui se définissait d’abord par lui-même, avec ses riches et ses pauvres, ses familles d’origine étrangères (les Morandi, les Balducci, les Solak, les Glanowski, les Kempa, les Aït-Bara), ses illuminés (l’éternel Robic et l’ineffable Totor Poyet) et ses marginaux, tel le fameux Cabanon, un pauvre bougre vivant dans une bicoque le long de la rivière Têche qui, les jours de marché et de foire, avalait tout rond des grenouilles contre quelques piècettes. Un petit monde sur lequel pesait une énorme pression sociale : l’œil communautaire surveillait les faits et gestes de chacun.
(à suivre...)
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vendredi 8 janvier 2010
Quel avenir pour l'identité bourbonnaise ?
Dans le schéma identitaire bourbonnais domine le sentiment de ne pas être connus et reconnus à l’échelle de notre pays. Le vrai Bourbonnais, du moins celui qui s’identifie comme tel, est convaincu d’être bouffé par l’Auvergne, le grand frère du Sud, et ressent amèrement le fait que sa province ne soit qu’une marge bien qu’elle se situe au centre de notre pays… L’intello du coin vous dira que le Bourbonnais c’est avant tout la Terre des Bourbon. Le message est certes séducteur, mais il ne peut séduire le grand public qu’une seule fois : les ruines ont le don de lasser petits et grands. Le Bourbonnais de la rue vous dira quant à lui que pour être d’ici il faut y être né comme si un obscur droit du sol suffisait à lui seul à définir notre identité. Parler de nous-mêmes, revient donc à avancer à tâtons dans le labyrinthe de nos sentiments collectifs. Pour y trouver son chemin autant l’aborder en se posant les bonnes questions : le Bourbonnais (je ne parle pas de l’Allier) existe-t-il encore ? Qu’est-ce qu’être Bourbonnais aujourd’hui ?
L’identité bourbonnaise se définit traditionnellement autour de l’histoire de notre province. Or, dans beaucoup de plaquettes touristiques, la chronologie bourbonnaise court du dieu Borvo à l'année 1527 marquée par la mort du Connétable de Bourbon. A quoi bon être Bourbonnais si notre histoire s’est achevée en 1527 ! Fort heureusement, la plupart des schémas identitaires bourbonnais poursuivent notre histoire régionale jusqu’aux luttes d’Emile Guillaumin, mais qui connaît encore en France ce personnage ? D’ailleurs, combien de Bourbonnais de moins de 40 ans savent qui il fut ? Avec Guillaumin nous touchons à la définition même de l’identité provinciale, c’est-à-dire une construction sociale ouverte reposant sur une accumulation de symboles, de personnages, de lieux et de dates partagés par tous. Avec les spectaculaires mutations qui ont bouleversé notre monde rural depuis une cinquante d’années, Guillaumin n’est plus un symbole universellement reconnu par tous les Bourbonnais, même si, pour celui qui fait l’effort de le relire, il parle encore à notre humanité.
La définition de l’identité bourbonnaise fut élaborée en un temps (fin du XIXe siècle-années 1950) où les élites ne parlaient qu’aux élites. La promotion touristique de notre province naquit d’ailleurs de ce dialogue et continue à être diffusée presque en l’état. Depuis lors, le tourisme s’est démocratisé et s’est de fait banalisé. Le vacancier a transposé dans son itinérance sa culture consumériste, sa soif d’exigence et d’immédiateté. Là où il va, le touriste veut qu’on lui dise où il est et surtout ressentir la différence. A quoi bon, par exemple, continuer à faire du chapeau à deux bonjours l’un des grands symboles du Bourbonnais puisque celui-ci a disparu de notre paysage social depuis bien longtemps.
Les dernières tentatives de toilettage de l’image de notre province se sont soldées par l’invention de concepts alambiqués : voici que le Bourbonnais est devenu zen et glamour, baignant dans une idyllique Dolce vita. Encore un peu de temps et notre province deviendra sexy… On pourrait sourire de tous ces faux-semblants si le péril n’était déjà dans la demeure. En effet, depuis une petite dizaine d’années, la promotion du Bourbonnais, orchestrée par l’Office départemental de… l’Allier (on aurait voulu assassiner le vieux Bourbonnais on ne s’y serait pas pris autrement !), est concurrencée par l’affirmation des Offices de Tourisme communautaires. S’il était déjà difficile de prendre des vacances en Bourbonnais sans préciser que vous partez en fait pour l’Auvergne, à terme, il sera peut-être du dernier chic de préparer son séjour en Tronçais ou dans le Pays de Bourbon. Certes, il est légitime de laisser voix au chapitre aux différents Pays du Bourbonnais, mais il est temps d’entreprendre la rénovation de l’identité de notre province afin de construire un message promotionnel en adéquation avec les réalités sociales de notre époque. Avant de travailler sur la segmentation des publics à atteindre, il est nécessaire de reprendre le récit de notre histoire et de bâtir un message universel dont le contenu soit vérifiable par tout un chacun. Désormais, il ne s’agit pas tant de délimiter notre place dans le village planétaire que de nous convaincre de ce que nous sommes devenus. Plusieurs axes de réflexion sont à mon sens à creuser. Le Bourbonnais est sans nul doute aujourd’hui la terre la plus médiane de France, une mosaïque de paysages posée entre nord et sud, entre ville et campagne, entre modernité et traditions. Mais attention à ne pas commettre d’impairs : défense et promotion de la ruralité ne doivent pas se résumer à une seule et unique bio-attitude. Nous devons être capables à l’avenir de montrer la vie réelle de notre province et non plus de vendre l’impossible. L’une des forces des Bourbonnais réside enfin dans leur capacité à intégrer l’autre à tel point que les « réinventeurs de notre province » sont souvent des néo-arrivants. Finalement, le propre des Bourbonnais n’est-il pas d’avoir accepté depuis longtemps l’idée une identité modelable prenant souvent l’aspect d’un dialogue avec soi par procuration ?
dimanche 3 janvier 2010
Connaissez-vous le Billezois ?
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S. HUG