L'histoire de nos rapports avec la pharmacopée et les produits pharmaceutiques reste encore à écrire. Au-delà des vertus thérapeutiques recherchées, l'ensemble des rituels que nous accomplissons lors de la prise d'un médicament ou la somme des croyances apotropaïques (c'est-à-dire sensées éloigner le mal) que nous développons, souvent en secret d'ailleurs, constituent autant de champs historiques inexplorés. Parmi ces médicaments couronnés de toutes les vertus, les pastilles et le sirop du Docteur Guyot furent deux produits vedettes des pharmacies françaises de la Belle Epoque aux années 1950. Originaire de Périgny, Louis Guyot utilisa à merveille les bienfaits combinés du goudron, du menthol et de la terpine dans le soin et la prévention des maladies pulmonaires et respiratoires.
De tous les utilisateurs invétérés des pastilles Guyot, l'acteur Jean Marais en conserva des souvenirs pour le moins précis : "Dure épreuve que le retour au lycée. Pourtant j'avais de bons camarades. Les meilleurs étaient Malrai et Guyot dont le père fabriquait des pastilles du même nom. Il nous en donnait des boîtes. J'avais une surprise pour eux : un vrai revolver que j'avais chipé à mon frère. Cette arme presque inoffensive l'était encore moins puisqu'elle ne contenait pas de balles. Dire "vrai revolver" nous grisait. Les revolvers à amorces, qui faisaient beaucoup plus d'effet dans nos jeux, nous semblaient dérisoires. Guyot, pour me l'acheter, me proposa en échange cinquante boîtes de pastilles et je ne sais quoi encore. Je finis par accepter." (Histoire de ma vie, Albin Michel, 1993)
S. HUG