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Cliché du haut : Marthe Lacroix et son fils Marcel en 1926. Cliché du bas : Alexis Corre et, tout à côté de lui, sa femme Marie Lacroix en 1933. |
Dans la France
des années 50, encore marquée par l’épreuve du Rationnement, la nourriture
était une richesse que notre société moderne a depuis lors banalisée. L’implacable
« Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » (Genèse 3. 19) résonnait
encore d’une façon toute particulière dans un monde chrétien resté profondément
rural. Et que dire du Pain quotidien du Pater Noster qui rattachait la France d’Auriol et de Coty
aux espérances ancestrales d’une vie meilleure. Au centre des préoccupations
des Français d’alors, trônaient les commerces de bouche. Face à l’universalité
(quasi égalitaire) de la boulangerie, se dressaient deux espaces commerciaux
plus sélectifs : la boucherie et l’épicerie. Leurs portes franchies, le
chaland, en fonction du contenu de son panier, pouvait immédiatement percevoir
son positionnement social et sentir se poser sur lui le regard de la
communauté. Grâce aux souvenirs de Monsieur Pierre Corre, Lapalissois d’origine
et fidèle lecteur de Palicia, refait surface l’histoire et l’organisation de
l’épicerie Lacroix, autrefois située rue du Marché.
Ce fut le 11 novembre 1909, jour de la Saint-Martin, jour
dédié dans l’ancienne France à la signature des baux, que Pierre Lacroix
(1885-1915) prit possession avec son épouse Marthe Guinot (1886-1971) d’une
petite épicerie située à l’angle de la rue du Marché et de la rue Traversière.
Fraîchement mariés et après que Pierre Lacroix ait réalisé un stage au siège parisien de Félix Potin, les deux jeunes épiciers se proposèrent donc d’installer la
célèbre enseigne de Produits Fins sur les bords de Besbre.
A la mort de Pierre Lacroix sur le front en 1915, Marthe continua
à s’occuper seule de l’épicerie familiale, élevant ses deux enfants :
Marie (1912-2001) et Marcel (1914-1929). En 1933, Marie Lacroix épousa Alexis
Corre, le jeune couple prit alors la succession de Marthe Lacroix.
L’agencement du commerce était celui d’une épicerie type de
l’époque : les murs du magasin étaient occupés par des étagères qui
montaient jusqu'au plafond, au milieu de
l’espace se dressait une banque en bois avec caisse enregistreuse au centre.
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Marie Corre au centre de son épicerie |
Un entrepôt se situait dans une dépendance qui ouvrait sur la rue Traversière.
Le commerce ne possédait pas en revanche de chambre froide, l’épicerie Lacroix
ne vendait ni viande, ni légumes, mais uniquement des conserves, de
l’alimentation traditionnelle, des bonbons, des dragées, des vins, des
spiritueux, quelques fromages à la coupe et du café torréfié une fois par
semaine dont les arômes gagnaient tout le quartier. Les marchandises arrivaient
par train, par car ou par camionnette. Véritable commerce de proximité comme
nous dirions de nos jours, l’épicerie Lacroix était ouverte tous les jours de l’année
de 8 heures à 19 heures, ne faisant relâche que le Dimanche après-midi. Mais
toujours prêts à « dépanner » sa clientèle, il n’était pas rare que
les époux Corre servent, une fois le rideau de leur commerce tombé, quelques
personnes du voisinage à la porte de la réserve, rue Traversière. Alexis Corre
assurait par ailleurs quelques livraisons en ville à l’aide d’un vélo supportant une grosse caisse en bois.
Le jeudi matin, jour de marché, occupait une place particulière
dans la semaine de l’épcierie. Ce jour-là, la rue du Marché était noire de
monde et pour l’occasion, on dressait un étal devant le magasin dédié à la
vente de confiseries et souvent tenu par le jeune Pierre, fils du couple Corre.
Tout contre, Monsieur Grand, fabriquant de sabots à Saint-Christophe, avait l’habitude
de déballer ses pièces sur le trottoir de l’épicerie.
A la Toussaint,
Alexis Corre vendait également des chrysanthèmes qu’il cultivait toute l’année
dans le jardin de Marthe Lacroix, situé route du Cimetière. Enfin, à la Noël, l’épicerie Lacroix
devenait le principal magasin de jouets de lapalisse : les piles de
mécanos, baigneurs ou poupées envahissaient alors la boutique d’alimentation.
De plus en plus concurrencés par les magasins à succursales dont
les volumes achetés et écoulés permettaient de proposer aux clients des prix
plus bas, les époux Corre décidèrent de céder leur épicerie à Monsieur Jonard
en 1955 et quittèrent Lapalisse pour Vichy.
Un grand remerciement à Monsieur Pierre Corre, fils d'Alexis et de Marie Corre et petit-fils de Pierre et Marthe Lacroix.
S. HUG