Lapalisse possède l'un des rares monuments commémoratifs dédiés aux victimes du Coup d'Etat du 2 décembre 1851. Cette création républicaine du début du XXe siècle déforme en fait la réalité historique : Lapalisse fut, sous la Seconde République et le Second Empire, une ville résolument conservatrice.
Le scrutin présidentiel du 10 décembre 1848 plébiscita le Prince Louis-Napoléon Bonaparte qui obtint près des trois-quarts des voix. Cependant, ce mandat de quatre ans ne pouvait être, selon les dispositions de la Constitution de 1850, renouvelable. Suite au rejet, en novembre 1851, d'une révision de la Constitution, l'entourage le plus proche du Prince-Président (Morny, Fleury, Saint-Arnaud, Maupas, Rouher, Persigny) envisagea alors de passer en force en choisissant de dissoudre de façon autoritaire la Chambre et le Conseil d'Etat.
Dans la nuit du 1er au 2 décembre, la Chambre fut destituée, les députés les plus républicains arrêtés et Paris mit en "état de siège". Un implacable maillage policier et militaire s'abattit alors sur la Capitale afin de contrôler les possibles foyers de contestation. Plusieurs poches de résistances républicaines réussirent tout de même à se former dans Paris où la répression fut extrêmement brutale (1200 morts selon certains organes de presse... 380 pour les services de Police). En province, de nombreux spasmes républicains soulevèrent les campagnes du Sud-Est et du Centre du pays (dans le Var, les Basses-Alpes, l'Hérault, la Dordogne, le Tarn, le Lot-et-Garonne, la Nièvre, le Cher, L'Yonne, le Jura et l'Allier). Le 4 au soir, l'ordre régnait sur la France.
Les 20 et 21 décembre, un plébiscite fut organisé pour asseoir les réformes constitutionnelles prévues par Louis-Napoléon Bonaparte. Avec 7 439 216 OUI contre 640 737 NON, les Français accordèrent une confortable marge de manoeuvre au Prince-Président. Le Messager de l'Allier (relais du Parti de l'Ordre en Bourbonnais) du 23 décembre 1851 notait au sujet de ce plébiscite que "Plusieurs communes, notamment celle de La Palisse, ont voté par OUI, pas un non ne s'est trouvé dans l'urne.Les habitants de la ville de La Palisse, en tête desquels se trouvent les ouvriers, ont ouvert spontanement une souscription pour offrir à M. de Rochefort, sous-préfet et à M. Meilheurat, maire, au premier une EPEE et au second une Echarpe d'Honneur, à raison du courage et de l'énergie qu'ils ont déployés lors des malheureux évènements qui ont affligé notre ville dans la journée du 4 Décembre. Le montant de cette souscription est déjà complet et quelques communes des environs veulent s'y associer. Hommage aux hommes qui comprennent si bien les vertus civiques et savent élever la société par la reconnaissance et le dévouement !"
Dans les semaines qui suivirent le plébiscite, la marche vers l'Empire s'accélèra. Le programme du nouveau régime était simple : poursuivre la restauration de la France en s'appuyant sur L'ORDRE et L'UNION. Pourtant d'essence sociale et libérale, l'idéologie bonapartiste se radicalisa au lendemain du Coup d'Etat du 2 décembre dans le but de rassurer la bourgeoisie et, de ce fait, le Prince-Président se coupa d'une partie de ses bases populaires. Pour réprimer les soulèvements républicains de début décembre, l'Etat mit également en place des juridictions d'exception.
Afin d'asseoir encore un peu plus son nouveau pouvoir et de cadencer la marche vers l'Empire, le Prince-Président entreprit en septembre 1852 un voyage dans les provinces du Centre et du Midi qui prit vite l'allure d'une tournée triomphale. Partout, le Prince-Président soigna son image en allant à la rencontre des petites gens et des masses laborieuses : recevant les fileuses de Bourges, dialoguant avec des mariniers à Nevers, saluant la paysannerie bourbonnaise... Le Moniteur Universel du 18 septembre 1852 relata par le menu l'itinéraire princier de l'avant-veille. Après Bourges et Nevers, le cortège officiel arriva à Moulins où la municipalité chercha par tous les moyens à montrer l'attachement de la ville au nouveau régime. Le maire moulinois rappela dans son discours que "la ville de Moulins, qui a toujours lutté avec énergie et conviction contre l'esprit de désordre, a été saisie d'admiration et pénétrée de reconnaissance pour vous, lorsque l'acte héroïque du 2 décembre tira la France de l'anarchie."
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Paysans bourbonnais saluant le Prince-Président (L'Illustration du 25 septembre 1852)
Après une journée ponctuée par de nombreuses cérémonies, le Prince prit congé de Moulins le 17 au matin. Peu avant son départ, Louis-Napoléon Bonaparte fit montre de quelques largesses en offrant notamment une somme de 2 000 francs aux anciens militaires de l'Empire, relais vivaces de la légende napoléonienne.
Si l'on reprend l'emphase des grands quotidiens officiels, un accueil remarquable attendit le Prince-Président à La Palisse, ville alors célébrée à cause du combat qu'y menèrent les autorités locales face à la "jacquerie" des Donjonais le 4 décembre 1851. Tous les acteurs de cette victoire trouvèrent, en cette journée du 17 septembre, le précieux concours de la population lapalissoise qui avait dressée deux arcs de triomphe du meilleur goût aux entrées de la ville. Une haie d'honneur organisée par les gardes nationales des environs ainsi que par les pompiers de La Palisse, Vichy, Cusset, Creuzier-le-Vieux et Busset accueillit le Prince-Président.
Sur les indications du Préfet, Louis-Napoléon Bonaparte remit la Légion d'Honneur au citoyen Xavier Bouquet de La Grye (1799-1859), ancien soldat de l'Empire qui avait déployé une rare énergie lors de l'émeute de décembre. En outre, une somme de 500 francs fut remise au sous-préfet Rochefort pour les pauvres de l'arrondissement. A l'occasion de cette visite présidentielle, le sous-préfet se vit d'ailleurs remettre cette fameuse épée d'honneur offerte par les habitants de La Palisse en reconnaissance de son courage face aux émeutiers. Enfin, 300 francs à M. Meilheurat, maire de Lapalisse, à destination des militaires et des ouvriers blessés. Le même Meilheurat, autre héros du 4 décembre, prononça ensuite un discours dans lequel il fit l'éloge convenue du "libérateur de la France et de l'Elu de la Nation". Au bout de deux heures, le cortège présidentiel reprit la route en direction du département de la Loire. Le Moniteur universel, organe de presse officiel souligna dans ses colonnes que "le département de l'Allier conserve un éternel souvenir de la visite trop courte du chef de l'Etat; mais les effets en seront profonds et durables. Longtemps agité et divisé par les factions, le département tout entier s'est uni, cette fois, dans ce seul cri : VIVE L'EMPEREUR !".