Située en zone libre, la ville de Lapalisse ne fut occupée par les troupes allemandes qu'au lendemain du débarquement allié en Afrique du Nord le 1o novembre 1942. Les reliquats du 152eme régiment d'infanterie, stationnés depuis plus de deux ans tout contre la gare de Lapalisse-ville (quartier de Montplaisir), furent immédiatement démobilisés. Le 30 novembre 1942, une compagnie de la Feldgendarmerie prit possession du château des Ratz et du château des Vignauds et y demeura jusqu'en août 1944. Au printemps 1943, notre ville connut ses premières actions de résistance ce qui accrut la pression de la Gestapo et de la Milice sur la Cité des Vérités.
Le débarquement allié en Provence, le 15 août 1944, précipita les choses. Dans les jours qui suivirent, plusieurs unités allemandes venant du sud passèrent par Lapalisse et foncèrent en direction du Donjon et de Digoin : la population commença véritablement à comprendre que le rapport de force était en train de basculer. Le 20 août au matin, le Maréchal Pétain quitta définitivement Vichy. Peu à peu, les garnisons allemandes de Clermont-Ferrand et de Vichy furent évacuées, la plupart des convois passèrent par notre ville.
Le 24 août, à 19 heures, un convoi allemand qui traversait lentement Lapalisse se heurta à la hauteur du carrefour de l'Hôtel de France à une voiture des FFI venant du Breuil. Une fusillade éclata. Un riverain de 63 ans, Antoine Bichet, fut tué par une balle perdue à l'entrée de la rue Traversière alors que deux jeunes gens d'Isserpent, André Pételet et Georges Grenier furent griévement blessés et conduits à l'hôpital de la ville où ils furent soignés par le docteur Perrin.
Le 25 août, une guerilla s'engagea dans le triangle Lapalisse-Digoin-Moulins contre les colonnes des garnisons allemandes de Clermont-Ferrand et de Vichy qui battaient en retraite en suivant les axes Riom-Gannat-Moulins et Varennes-Lapalisse-Digoin. Le groupement Roussel (Colonel Colliou de l'ex-152e régiment d'infanterie), comptant en son sein une poignée de jeunes lapalissois, porta ses efforts sur ce second axe. De violents combats se déroulèrent à Loddes.
Combats aux portes de Lapalisse : des FFI s'apprêtent à lancer une offensive contre un convoi allemand (Archives départementales de l'Allier)
En fin d'après-midi, le premier détachement américain entra dans Lapalisse. Il s'agissait d'un petit groupe de 14 hommes appartenant à l'Armée de l'Air ayant reçu pour mission de rejoindre le Sud de la France afin de préparer la remontée des forces alliées vers le Nord. En 1994, Robert D. Stelle (Naples - Floride), fit parvenir au Docteur Gréze, alors maire de notre ville, un courrierdans lequel il relata son entrée dans Lapalisse :
Nous sommes arrivés à Lapalisse tard dans l'après-midi. Le lieutenant ordonna de s'arrêter aux abords de la ville car personne n'était en vue. Votre charmante ville semblait abandonnée. Le fond de notre carte était déchiré près de Lapalisse, nous avions absolument besoin d'en avoir une autre. Nous nous demandions si les Allemands étaient dans la ville. J'ai mis quelques hommes en faction de chaque côté de la rue pour surveiller les toits et les fenêtres et je remontai la rue. Chacun de nous avait un fusil. Le camion et la jeep suivaient lentement.
Un jeune garçon de 10 ou 11 ans environ passa le coin d'une rue en courant et je l'attrapai par le bras. Je lui dis que j'étais un soldat américain. J'étais son ami. Je lui donnai un bonbon. J'avais besoin d'une carte. Je lui demandai de ma conduire à un magasin où je pourrais en acheter une. Je suis sûr que ce jeune homme était effrayé, mais il accpeta de m'aider et nous sommes entrés tous les deux dans un magasin. J'appelai en criant que j'étais un Américain. Un homme sortit de l'arrière-boutique et je lui dis de nouveau que j'étais un soldat américain. Il sortit en courant dans la rue et cria que nous étions les Américains. La rue se remplit soudainement de tous les habitants de la ville, hommes, femmes, enfants. Ils nous apportèrent du vin, du fromage, du pain et nous sautèrent au cou et nous embrassèrent tous. Tout le monde riait et pleurait à la fois, je ne pourrai jamais l'oublier. C'est mon meilleur souvenir de la guerre.
Nous sommes restés la nuit à l'hôtel [l'Hôtel de l'Ecu], deux par chambre. Nous avons pris un bain chaud, le premier depuis longtemps. Nous avons pris le dîner dans la salle à manger et il me semble que le maire, le banquier et le directeur de l'hôtel étaient avec nous. Nous avons eu un petit carré de fromage pour le dessert. J'e n'avais jamais eu de fromage pour le dessert. C'était une bonne surprise. Nous avons récupéré notre camion et notre jeep le lendemain matin dans un parking, derrière un grand mur, et nous sommes partis pour Marseille après bien des poignées de mains, des accolades, des embrassades." (cité dans Info Trente n° 23 - automne 1994).
Le 26 août, à 8h30, l'Etat-major allemand de Clermont-Ferrand traversa Lapalisse. En fin de matinée, Vichy fut libérée par les FFI. Dans l'après-midi, un violent accrochage opposa aux portes de Lapalisse un convoi allemand à plusieurs groupes de partisans : trois camions ennemis et leurs occupants furent totalement anéantis. Le soir, les Allemands décidèrent d'abandonner l'itinéraire Lapalisse-Digoin devenu trop dangereux pour privilégier un itinéraire par Jaligny et Dompierre-sur-Besbre.
Les environs de notre ville furent le théâtre de violents accrochages jusqu'au 2 septembre. Les opérations se déplacèrent alors autour de Moulins qui fut libérée le 6 septembre.
Durant les derniers jours du mois d'août, un Comité de Libération de neuf membres (Raymond Bécaud, Claude Rousset, Joseph Bel, Gaston Périsse, le Docteur Perrin, Claudius Papon, Alphonse Bletterie, Lucien Colon et Antoine Guy) fut installé à l'Hôtel de Ville en remplacement de la municipalité déchue de Charles Rousset. Le 11 septembre 1944, le nouveau préfet du département de l'Allier délégua l'ensemble des pouvoirs municipaux à ce Comité de Libération et choisit Raymond Bécaud comme maire de notre ville.
Le premier tract de Lapalisse libérée signé par Raymond Bécaud
(Archives de la famille bécaud)
Raymond Bécaud (1913-2000), maire de la Libération
Stéphane HUG