samedi 31 mars 2012

Le café Benatan (rue Nationale - Lapalisse)

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Depuis une trentaine d’années, l’écriture de l’histoire a considérablement évoluée. Devenant de plus en plus charnelle, l’Histoire aime désormais à explorer l’épaisseur des sociétés en suivant les trajectoires d’individus situés à la confluence d'une foule de réseaux tant privés que professionnels. Parmi les groupes centraux qui mériteraient d’être étudiés plus en profondeur, celui des cafetiers, qui d’ailleurs ne cesse de se rétracter, est sans nul doute l’un des plus riches de promesses. En entrant au bistrot, l’historien touche à l’universalité : le zinc appelle à la communion entre toutes les composantes de la société. Mais le troquet n’est pas seulement un haut lieu de sociabilité, il constitue également un espace d’initiation au sein duquel s’opère un glissement de la cellule familiale vers le monde des adultes. Dans le Lapalisse des années 1920 et 1930, le café Benatan, situé rue Nationale, fut l’un de ces lieux bénis où la jeunesse faisaient ses « classes » sous l’œil bienveillant des grognards du comptoir.


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Louis Benatan (1881-1931), originaire de la région roannaise, arriva à Lapalisse, au début du siècle dernier, comme cuisinier à l’Hôtel de l’Ecu. Après son mariage avec Suzanne Pelletier, le jeune couple acheta un petit établissement situé juste en face de l’Ecu et en firent, en quelques années, un café-restaurant renommé. Proposant également ses services pour des banquets et des cérémonies, Louis Benatan sillonna ainsi pendant plusieurs années toute la région lapalissoise et la Montagne bourbonnaise. Musicien dans l’âme, Louis Benatan fut membre de l’Union Musicale au sein de laquelle il anima, juste avant la Grande Guerre, l’école de Musique. De toutes les kermesses et de toutes les fêtes communales, grand amateur de sports, Louis Benatan fut également Président de l’AAL de 1924 à sa mort brutale en 1931.



Ci-dessus : Madame Benatan et ses enfants devant son café-restaurant.







En haut : Louis Benatan (à droite) et Lucien Liard (à gauche) avec les enfants de la batterie-fanfare de Lapalisse vers 1910 . En bas : Louis Benatan (à droite) avec l'équipe fanion de l'AAL. A gauche, on reconnaît sur cette photo, Claudius Papon, futur conseiller municipal, candidat aux cantonnales 1937 sous l'étiquette Radical-socialiste et membre du Comité de Libération de Lapalisse en 1944.
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Après la disparition de Louis Benatan, son épouse, aidée de sa sœur Marie, continua à faire vivre l’établissement, devenu « Café du Centre », puis le laissa à son fils Maurice qui le tint jusqu’à sa disparition prématurée en 1952. Madame Volpei racheta alors le fonds de commerce et continua à faire vivre le Café du Centre.


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Remerciements à M. Louis Moutet, ancien instituteur à Lapalisse et petit-fils de Louis Benatan.


S. HUG


HUGSTEPHANE@aol.com

samedi 24 mars 2012

29 novembre 1799 : attaque de la malle-poste à Droiturier

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Copyright Structurae - cliché Jacques Mossot


Construit entre 1752 et 1758, sur la route de Paris à Lyon, le Pont de la Vallée est le symbole local de la politique des Intendants du XVIIIe siècle visant à améliorer le réseau routier du royaume.



Le banditisme d'Ancien Régime, incarné par les figures de Cartouche et de Mandrin, ne disparut pas avec la période révolutionnaire, bien au contraire. Les soubressauts politiques et sociaux, l'omniprésence de la guerre à partir du printemps 1792, conjugués aux faiblesses de l'Etat centralisateur grossirent les rangs des forbans habituels. Si la fameuse Bande d'Orgères (forte de plus de 400 bandits) écuma les campagnes de Chartres et de l'ouest parisien entre 1792 et 1798, presque toutes les régions de France connurent, à un degré moindre, les affres d'un banditisme teinté de revendications politiques feintes ou réelles. Ainsi, fin 1799, le maire de Droiturier consigna sur l'un de ses registres le procès-verbal de l'attaque de la malle-poste à la hauteur du Pont de la Vallée :


"Aujourd'hui huit frimaire an huit de la République française une et indivisible, heure de onze et demie de relevée [du soir], par devant moi agent soussigné, s'est présenté le citoyen Deléchet, convoyeur de malle allant de Paris à Lyon, lequel étant dans un état de frayeur et de faiblesse, nous a dit qu'il a été arrêté avec sa malle conduite par le nommé Gaillard, postillon de Lapalisse, avec quatre chevaux, sur les huit heures un quart, immédiatement après avoir traversé le pont dit de La Vallée, entre Lapalisse et Droiturier, distant de ce dernier endroit de huit cents toises ou environ [1500 mètres]. Laquelle arrestation a été faite par vingt et un ou vingt-deux individus armés de fusils et de baïonnettes, lesquels voleurs ont entouré de suite sa voiture en mettant en joue le postillon et le courrier et ont crié : "A bas, descends de suite ou tu es mort". Etant descendu, les voleurs se sont emparés de sa personne et de celle du postillon, lesquels ont été garottés, les mains derrière le dos et attachés l'un contre l'autre par les jambes. Et de suite les dits ont monté dans la voiture, ont jeté par terre toutes les dépêches... lesquels impatients et furieux de ne pas trouver d'argent, en défaut, se sont jetés sur lui, courrier, en lui disant : "Tu dois savoir s'il y a de l'argent et c'est de l'argent qu'il nous faut, le République nous a assez volés !" Alors ils se sont mis en groupe, ils se sont consultés et de suite l'un d'eux d'une voix menaçante s'est écrié et a ordonné à deux d'entre eux, se donnant mutuellement les noms de Cartouche et Bras-de-fer et autres, de fouiller le convoyeur très exactement, ce qu'ils ont fait et lui ont pris un petit sac contenant trente-quatre écus de six livres et quatre écus de trois livres et une pièce de trente sols, plus dans la poche de son gilet trois monnaies blanches faisant trois francs dix-huit sols et en outre, ils ont pris deux sacs contenant de la monnaie de billon [mélange cuivre-bronze] pour quarante-quatre francs. Ceci fait, ils les ont détachés d'un d'à côté de l'autre et les ont montés et jetés dans la malle, d'après quoi ils les ont réunis en les attachant par les jambes, toujours les mains liées derrière le dos en leur promettant que dans trois heures il passerait deux hommes qui les délivreraient, et de ne rien dire. De suite, les voleurs se sont retirés sur le pont, y sont restés environ un quart d'heure, d'après cela ils sont revenus une dizaine, en ont fait remonter l'un d'eux dans la voiture où ils ont encore trouvé un paquet de dépêches qu'ils ont emportés. Que ce nombre a fui par la route de Lyon et ne sait où les autres ont passé et au bout de deux heures au moins, le convoyeur et le postillon souffrant de froid et de manière atroce dont ils étaient serrés par les mains, a fini par se défaire ou de délier une main, a pris son couteau et a délivré le postillon et ont pris de suite chacun un cheval et sont venus très promptement devant nous, agent. Sur quoi, j'ai fait sonner le toscin en criant "Aux armes !". Et après qu'un nombre conséquent s'étant présenté devant moi tous armés, je leur dit de me suivre au lieu du Pont de la Vallée où la malle poste a été volée. Ce qui a été fait avec toute la diligence possible accompagné du courrier ainsi que du postillon. Chemin faisant, à cent toises du pont, nous avons trouvé trois petits paquets, un pour le bureau de Roanne et deux autres adressés au bureau de Lyon avec beaucoup de lettres que nous avons soigneusement recueillies et remises au courrier. Nous avons trouvés toutes les dépêches autour de la malle dont une grande partie était éventrée, lesquelles nous avons fait mettre dans la malle que le courrier a fermée. Et de suite, nous nous sommes retirés à Droiturier en accompagnant la malle où étant arrivé nous avons rédigé le présent procés-verbal."

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S. HUG

HUGSTEPHANE@aol.com

vendredi 9 mars 2012

Collection Visages du Bourbonnais : Jean Cluzel, l'âme du centrisme bourbonnais

Né le 18 novembre 1923 à Moulins, il passe une grande partie de son enfance à Branssat, à côté de Saint-Pourçain-sur-Sioule. Jean Cluzel fréquente le Collège de Cusset, puis le Lycée de Vichy. Militant à la JEC, Jean Cluzel s’oriente vers des Etudes de droit et de Sciences politiques à Lyon, puis à Paris. Au terme de ses études, il décide de reprendre l’affaire familiale (société Cluzel-Dumont) : une petite entreprise de carrières et de sablières fondée en 1825 qu’il dirige jusqu’en 1987. En lien avec sa carrière d’entrepreneur, Jean Cluzel est appelé à présider, entre 1959 et 1967, le Comité d’expansion économique de l’Allier, puis, à partir de 1967, la Société d’Equipement de l’Allier. Membre de la Chambre de commerce et d’industrie de Montluçon-Gannat, il devient président de la Chambre de commerce et d’industrie de Moulins-Vichy entre 1968 et 1974.
En 1955, Jean Cluzel crée à Branssat un lieu de rencontres et de débats : le club Positions , organisant ses fameux « Carrefours », des conférences très suivies et généralement de très bonne tenue. Positions eut une immense importance dans la vie politique bourbonnaise en la dynamisant et en la réformant. Positions donna naissance en 1972 à la Fédération des Elus Bourbonnais, à l’Université Populaire de Bransat en 1981 et à Rencontre des Arts et des Lettres en Bourbonnais en 1990.
En 1958, Jean Cluzel se présente aux élections cantonales de Saint-Pourçain-sur-Sioule sous l’étiquette du MRP, mais il est battu. L’année suivante, il devient conseiller municipal de Saint-Pourçain-sur-Sioule et le resta jusqu’en 1965. En 1971, Jean Cluzel est élu conseiller municipal à Avermes, à côté de Moulins. En mars 1967, il se présente aux élections législatives dans la Ière circonscription, mais il est largement devancé par le candidat communiste et le maire d’Yzeure, il préfère se retirer au second tour. A l’automne 1967, Jean Cluzel enlève enfin son premier mandat d’importance en devenant conseiller général du canton de Moulins-ouest dès le premier tour. Il deviendra très vite le chef de file de la droite bourbonnaise et sera réélu à l’Assemblée départementale en 1973, 1979 et 1983. En juin 1968, Jean Cluzel se représente aux législatives, mais il est devancé une nouvelle fois par un nouveau venu en politique, Hector Rolland, candidat gaulliste, futur maire de Moulins.
En 1970, alors que les socialistes bourbonnais sont en perte de terrain, Jean Cluzel est élu Président du Conseil général de l’Allier par 16 voix contre 13 au président sortant, Georges Rougeron, grâce au soutien de trois élus élus de gauche. Jean Cluzel reste à la tête du département jusqu’en mars 1976, puis retrouve la présidence entre 1985 et 1992.
En septembre 1971, Jean Cluzel (associé à Jean Nègre, l’un des trois élus de gauche rallier à sa candidature à la Présidence du Conseil général un an avant) est élu sénateur de l’Allier en battant dès le premier tour deux sénateurs sortants, Pierre Gonard et Georges Rougeron. Jean Cluzel sera réélu sénateur en 1980 et en 1989. Siégeant dans plusieurs commissions, rapporteur de plusieurs projets de lois, Jean Cluzel s’illustra surtout en étant, de 1974 à 1998, rapporteur du budget de la presse et de l’audiovisuel. Il devint d’ailleurs durant cette période un spécialiste incontournable de l’audiovisuel français, rédigeant notamment chaque année, une étude intitulée « Regards sur l’audiovisuel » (plus communément appelé Rapports Cluzel) et en créant en 1994, un Comité français pour l’audiovisuel. Jean Cluzel qui fut également Conseiller régional d’Auvergne entre 1972 et 1986, se retira de la vie politique active en 1998. Durant toutes ces années, l'action politique de Jean Cluzel put se résumer autour de ce que certains observateurs de la vie bourbonnaise ont appelé le cluzélisme : une ligne de conduite résolument centriste au service de notre province, à la fois inspirée par la démocratie chrétienne et la réflexion terrienne d'Emile Guillaumin. Le cluzélisme continue à conditionner l'engagement de la droite bourbonnaise, notamment au travers de l'action de Gérard Déiot, sénateur et ancien Président du Conseil Général.
Jean Cluzel signa également quelques ouvrages : Au service du Bourbonnais (1971), l’Allier au présent (1973), Horizons bourbonnais (1973), les boutiques de la colère (1975), Elu du peuple (1977), Télé violence (1979), Télémanie (1979), L’argent de la Télévision (1979), Un projet pour la Presse (1986), La Télévision après six réformes (1988), Les finances locales décentralisées (1989), Le Sénat dans la société française (1990), Démocratie oblige (1994), La Télévision (1996), Presse et Démocratie (1997), un essai sur Anne de France en 2002 et un second sur Jeanne d’Arc en 2006.
En décembre 1991, Jean Cluzel est élu à l’Académie des sciences morales et politiques, dont il devient le secrétaire perpétuel de 1999 à 2004. Jean Cluzel est commandeur de la Légion d’honneur, Commandeur des Arts et des Lettres et Officier des Palmes académiques.

S. HUG

HUGSTEPHANE@aol.com