mardi 26 février 2008

Les Bécaud : les hommes de la Résistance













LES BECAUD


Charles Bécaud (1887-1955)
(personnage le plus à droite sur la photo ci-contre)


Conseiller municipal de 1935 à 1941
Maire de Lapalisse de 1945 à 1953
Chevalier de la Légion d'Honneur
Croix de Guerre 1939-1945
Médaille de la Résistance
Marchand de bois et de combustibles, Quai de la Besbre



Raymond Bécaud (1913-2000)
(photo de droite)


Membre du Comité de Libération de Lapalisse en août 1944
Maire de Lapalisse de septembre 1944 à mai 1945
Croix de guerre 1940
Marchand de bois et de combustibles, rue du 4-Septembre


Le destin de la famille Bécaud fut tragiquement lié à la guerre 39-45. Le tribut qu'ils payèrent pour leur engagement dans la Résistance locale fut particulièrement lourd. Au sortir de l'Occupation,jouissant d'une aura considérable, les Bécaud s'installèrent à la mairie pour une décennie.
Charles Bécaud débuta sa carrière professionnelle dans la scierie Labaye à Magnet. Au tout début des années 1920 Charles Bécaud créa sa propre affaire au lieu-dit Le Châtelier, sur la commune de Saint-Prix. A peu près à la même époque, au bénéfice d'une association avec son cousin Jean-Pierre Charasse, Charles Bécaud étendit ses activités en créant un dépôt de combustibles et une entreprise de roulage, implantés quai de la Besbre, tout contre son domicile où grandirent ses six enfants.
Elu conseiller municipal en mai 1935 sur la liste radicale du maire sortant Auguste Coche, Charles Bécaud siégea au Conseil jusqu'en avril 1941, date de la révocation de tous les élus de l'opposition par arrêté préfectoral.Très tôt, la famille Bécaud s'engagea dans la Résistance. Le destin de cette famille bascula le 7 février 1944. Ce jour là, la Gestapo de Vichy opéra une rafle à Lapalisse dans le but de décapiter les réseaux locaux de Résistants. Charles Bécaud et son fils cadet, Jean (né en 1916),mécanicien, furent arrêtés, emprisonnés dans un premier temps à la Mal-Coiffée de Moulins,puis, à Compiègne avant d'être déportés à Buchenwald. Charles Bécaud y demeura jusqu'à la libération du camp en avril 1945. Durant sa captivité, il se lia d'amitié avec Marcel Paul, syndicaliste communiste qui, une fois devenu Ministre de l'Energie en 1946, rendit visite à son ancien compagnon de stalag devenu maire de Lapalisse. Son fils, fut quant à lui transféré de Buchenwald à Floha au début de l'année 1945. Malheureusement, Jean Bécaud ne revint jamais des forêts de Saxe. Trop affaibli pour suivre la marche de la colonne des déportés évacués précipitemment de Floha, il fut en effet fusillé en avril 1945 avec 56 autres de ses compagnons dans un bois de Marienberg et enseveli dans une fosse commune.
Entre temps, Raymond, fils aîné de Charles, appartenant aux Forces Françaises de l'intérieur (FFI - résistance gaulliste) fut choisi fin août 1944 pour présider le Comité de Libération de Lapalisse composé de huit autres membres : Claude Rousset, Antoine Guy, Claudius Papon, Lucien Colon, le Docteur Perrin, Joseph Bel, Gaston Perisse et Alphonse Bletterie. Le 11 septembre 1944, Raymond Bécaud reçut, par arrêté préfectoral, une délégation municipale dans le but d'administrer la ville et de préparer les futures éléctions locales dès le retour des prisonniers de guerre et des déportés. La toute nouvelle administration préfectorale installa également trois adjoints représentant les grands courants de la France libérée : Claude Rousset (Socialiste), Claudius Papon (Radical-socialiste) et Antoine Guy (Communiste). Raymond Bécaud demeura maire de Lapalisse jusqu'au 11 mai 1945, date à laquelle son père, rentré de captivité fin avril, fut élu maire de Lapalisse.
C'est un homme amaigri, affaibli et meurtri par les épreuves de la guerre qui s'installa donc à la tête d'une ville qui connut encore pendant de longs mois les restrictions portant sur les carburants, le charbon et certains produits alimentaires. Avec son éternel béret vissé sur la tête, Charles Bécaud incarnait pour tous l'homme honnête, rempli de convictions qui était revenu de l'enfer. Les premiers mois de son mandat furent placés sous le signe du retour à la concorde et du recueillement. La municipalité de Charles Bécaud rebaptisa par exemple plusieurs rues et places de la ville afin de rendre hommage aux grands vainqueurs de la guerre et aux résistants et déportés locaux : l'avenue de la Gare devint ainsi avenue du Général de Gaulle, la rue Nationale, rue du Président-Roosevelt, la rue du Marché, rue Winston Churchill, la Place de l'Industrie, Place Staline, la rue de la Montagne, rue Gaston-Commerçon. Par la suite, plusieurs rues du quartier de Montplaisir reçurent le nom de Lapalissois morts en déportation : rue Gilbert-James, place Jean-Berthuet, rue Marcel-Déborbes, rue Barthélémy-Guillon, rue Jean-Marie-Malbrunot. Enfin, la Place du Marché fut rebaptisée Place du Maréchal-leclerc et la rue des Ecoles, rue du Lieutenant Négrier du nom du sous-officier commandant la colonne FFi qui libéra la ville de Lapalisse en août 1944 et qui trouva la mort en 1948 en Indochine.
Au renouvellement municipal de 1947, la situation politique avait considérablement changé. La belle concorde née de la libération avait déjà disparu : trois listes se présentèrent aux élections (une Liste républicaine de défense des intérêts communaux conduite par Charles Bécaud, une Liste républicaine d'administration communale conduite par Gilbert Barthelot et, enfin, une Liste d'Union républicaine et résistante conduite par Antoine Guy). Mise en ballottage, la Liste de Charles Bécaud obtint finalement 13 sièges, contre 6 revenant à la Liste Barthelot.
Durant son second mandat de maire, Charles Bécaud, secondé par deux adjoints expérimentés, Claude Rousset et Claudius Papon, s'appliqua à restaurer le revêtement et l'éclairage des rues et des places de la ville dont l'entretien avait été négligé durant les années de guerre, il fit également reconstruire le marché couvert incendié en 1943 par les membres de la Résistance, motorisa les services municipaux et lança l'idée d'un établissement de bains-douches publics, Place du Faubourg.
En octobre 1951, un coup de théâtre secoua le paysage politique local : Antoine Brun, conseiller général SFIO du canton de Lapalisse de 1937 à 1940 et de nouveau à partir de 1945 se trouvait distancé dès le premier tour des cantonales par le Lapalissois Lucien Colon. Antoine Brun jeta l'éponge et, au pied levé, Charles Bécaud décida de le remplacer se retrouvant ainsi face à l'un de ses anciens conseillers municipaux. Battu, Charles bécaud essuya même un cinglant affront auprès des électeurs lapalissois (260 voix contre 341 à Paul Baptiste - Parti communiste - et 942 à Lucien Colon - Divers gauche).Affecté par ce piètre résultat, Charles Bécaud réunit un Conseil municipal exceptionnel devant lequel il annonça sa décision de démissionner si l'assemblée en émettait le souhait. Un rapide scrutin le conforta dans ses fonctions par 18 voix contre une. Devenu un sexagénaire usé par sa captivité et le poids du deuil de son fils, Jean, mort en déportation, Charles Bécaud ne se représenta pas aux élections municipales de 1953. Il s'éteignit trois ans plus tard à son domicile du Quai de la Besbre.
A la mort de son père, Raymond Bécaud associé à la conduite de l'affaire familiale depuis près de vingt ans, en prit les rênes et compléta les activités liées au commerce du bois de chauffage et des combustibles en développant le commerce des boissons. En revanche, le sciage de bois d'oeuvre fut peu à peu abandonné par manque de rentabilité. En 1964, Raymond Bécaud associa à son affaire ses deux fils, Jean et Claude, qui assuraient les livraisons de charbon, bois de chauffage, fuel, vins et spiritueux. L a société Bécaud demeura en l'état jusqu'en 1988, année de la retraite professionnelle de son créateur. Jusqu'à sa disparition, Raymond Bécaud prit une part active dans la vie des associations d'Anciens Combattants lapalissoises. Le Maire de la libération décèda en novembre 2000 à la suite d'un accident de la route.

S. HUG

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