mercredi 22 août 2012

Atlas historique du Bourbonnais sous l'Ancien Régime - Chapitre II - la Sologne.


La Sologne bourbonnaise, pays de sable, d’argile, d’eau et de bois, s’étendait, comme de nos jours, sur le quart nord-est du Bourbonnais, entre les vallées de l’Allier et de la Loire. Jusqu’à la révolution agricole du XIXe siècle pensée et largement orchestrée par Destrutt de Tracy, ce pays demeura une région ingrate où le seigle l’emportait largement sur le froment. La pauvreté des sols conduisait d’ailleurs les communautés villageoises et les grands propriétaires fonciers à tourner le dos aux terres les plus froides, facilitant de la sorte la survivance de vastes espaces boisés exploités en coupe de taillis. Néanmoins, à chaque génération, en fonction de la charge démographique ou des impératifs économiques, la paysannerie essayait çà et là de faire reculer l’arbre. Le bail à mi-fruit du domaine des Grands Chapes (paroisse de Chézy) signé en 1770 entre Jean-Jacques Mastier de La Jolivette et Henri Lebrun, laboureur à Chézy, stipulait par exemple que le preneur s’engageait à défricher durant les neuf années du bail autant de terres dépendant du lieu qu’il pourra le faire, le bailleur s’engageant à assurer la moitié du coût des défrichages. (24) Toute une économie du bois et des ressources naturelle s’organisa dès le Moyen Age dans la Sologne bourbonnaise. Une verrerie, fondée par les de Finance, gentilshommes verriers, fonctionna au XVIIe siècle au bois Fougis à Thionne. Une autre, créée vers 1660 par les même De Finance aux Espiards, sur la paroisse de Vaumas, produisit du verre jusqu’à la veille de la Révolution. Plusieurs petites tuileries s’établirent également dans ce pays. (1) En 1660, Me Philippe de Champfeu, conseiller, maître d’hôtel et écuyer ordinaire du roi, seigneur et baron de la Fin Fourchaud (paroisse de Beaulon), concéda à Rollin Buisson, maître tuilier à Moulins, sa tuilerie de La Fin : « Le seigneur de Champfeu a délaissé audit Buisson sa thuilerye et son cheptel de la Fin. Ledit Buisson a promis et sera tenu y travailler incessemment en temps et saison dès le printemps prochain et y faire jusqu’à l’année prochaine la quantité de cinquante millyers de briques. Pour quoy faire ledit Buisson sera tenu de raccommoder le fourneaud moyennant que ledit sieur payera la brique que ledit Buisson y fournira à raison de la somme de quatre livres le millyer et payer les journées du masson qui y travaillera. Sera tenu ledit Buisson, de couper tous les bois qu’il faudra pour cuire les briques et lesquels ledit sieur fera charroyer sur le fourneaud comme aussi les sables nécessaires pour les attraicts. Fournira aussy ledit sieur audit thuilyer pour son service à la fasson de ladite brique jusques à la quantité de troys qouzaynes et deux cents de gluys. Et pendant que ledit Buisson travaillera à sadite thuillerye, il aura sa demeure dans la chambre du moulin dudit seigneur de Champfeu, sans aulcung louage : tous lesdits attraicts de briques ledit seigneur les payera audit Buisson à raison de quatre livres le millyer. » (2) Les coupes de bois approvisionnaient également l’artisanat rural, largement ouvert sur l’extérieur. Ainsi, en 1660, Me Turchin, sergent royal de Beaulon, vendit à Jean Deshommes, maître sabotier, « toute la coupe des bois Boullats, venus en trembles et prez à faire sabots. » (3) A l’autre extrémité de notre période, en 1791, Gilbert Rousseaud, ci-devant seigneur du Pal, vendit à Estienne Martissant, maître charpentier à Dompierre, « 15 pieds de boys à faire batteaux ». (4)


 Cliquez pour agrandir la carte. Commentaire : Alors que les paroisses occidentales de la Sologne bourbonnaises travaillaient pour le marché moulinois, celles de la partie orientale étaient tournées vers les vallées de la Loire et de la Besbre qui regroupaient l’essentiel du maillage économique de ce pays de sable, de bois et d’eau où, à force de ténacité, les communautés villageoises de la Sologne bourbonnaise réussirent à bâtir des finages équilibrés où les labours cohabitaient avec les ressources forestières, la « culture » des étangs et les espaces de parcours.


(1)- AD Allier, 3 E 1681 (1770)
(2)-Docteur de Brinon, Vaumas, Moulins, 1906.
(3)- AD Allier, 3 E 1791 (1660)
(4)- AD Allier, idem
(5)- AD Allier, idem
(6)- Arthur Young, Voyages en France, 1787, 1788, 1789, Paris, Armand Colin, 3 volumes, 1976, 1284 pages.

S. HUG


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