La
confiscation des biens du Connétable de Bourbon en 1527 et le démantèlement de
l’Etat bourbonnais quatre années plus tard posa à François Ier la question de savoir
quelle place allait désormais tenir notre province au sein du royaume de
France. La monarchie devait à la fois y faire sentir sa puissance, intégrer au
plus vite le Bourbonnais à la
Couronne et installer des organes administratifs capables de
contrôler l’ancien duché. Pour tenter de séduire la population moulinoise, le
roi Henri II décida en 1548 d’organiser au château ducal le mariage d’Antoine
de Bourbon, duc de Vendôme, avec Jeanne d’Albret, fille et héritière du roi de
Navarre. En fait, la monarchie intégra le Bourbonnais à la Couronne dans le seul but
de le mettre au service de sa politique familiale. L’extraordinaire patrimoine
foncier que les Bourbons avaient patiemment rassemblé, pièce par pièce, à
partir du Xe siècle, conditionna le sort de notre province. L’ensemble des
terres ducales situées en Bourbonnais furent en effet versées au domaine royal
et constituèrent de la sorte une telle source de revenus que le roi n’hésita
pas à les ériger à plusieurs reprises en apanage ou en douaire. Louise de
Savoie, mère de François Ier, reçu ainsi le duché de Bourbon au titre de rente
viagère dès 1527. De 1543 à 1545, le duché fut donné en apanage à Charles de
France, frère du roi Henri II. Par la suite, le Bourbonnais fut compris dans le
douaire des reines-mères : Catherine de Médicis, Elisabeth d’Autriche,
Louise de Lorraine, Marie de Médicis et Anne d’Autriche. Toutes prirent tout à
tour le titre de duchesse de Bourbonnais et perçurent les revenus domaniaux du
duché. Mise à part Louise de Savoie, mère du roi Henri III, qui vécut les deux
dernières années de sa vie au château de Moulins avant de s’y éteindre en
janvier 1601, les autres reines-mères ne firent que des passages ou des visites
de courtes durées dans leur duché : Catherine de Médicis séjourna au
palais ducal de décembre 1565 à mars 1566, Marie de Médicis séjourna une grosse
semaine à Moulins en septembre 1622, quant à Anne d’Autriche elle traversa le
Bourbonnais en trois jours en 1659. Le cas de Marie de Médicis est en revanche particulièrement
intéressant puisqu’il révèle en filigrane la façon dont la monarchie percevait
notre province au tout début du XVIIe siècle. En 1617, au lendemain de
l’assassinat de son favori et conseiller Concino Concini, Marie de Médicis fut
contrainte de s’éloigner de Paris. Louis XIII et Luynes venaient de réaliser un
coup de force en chassant des allées du pouvoir à la fois l’ancienne régente et
l’ensemble de ses créatures. On songea un temps à exiler la reine-mère à
Moulins, dans l’ancienne résidence des ducs de Bourbon. L’objectif politique de
la manœuvre était double. Si la perception des revenus ducaux aurait permis à
Marie de Médicis de tenir son rang de reine-mère, le choix d’un exil
bourbonnais l’aurait également isolée de la capitale. L’état lamentable du
château ducal de Moulins fit capoter le projet, Marie de Médicis s’installa
finalement à Blois. Quinze années plus tard, au lendemain de l’échec de la conspiration
du Connétable de Montmorency et de son exécution, sa veuve, Marie-Félicie des Ursins
fut envoyée en exil au château de Moulins, puis intégra le couvent de la Visitation où elle
finit sa vie dans une atmosphère de grande piété. Vu du Louvres, le Bourbonnais
apparaissait donc comme une marge située au centre du royaume : une
province aux campagnes certes globalement prospères mais ne disposant que d’une
faible armature urbaine, d’une noblesse plutôt pauvre et d’une bourgeoisie
marchande bien timide. La nébuleuse des courtisans et des gens de finances
trouvait donc peu d’intérêt à étendre ses tentacules sur le Bourbonnais qui, de
ce fait, faisait figure de terre d’exil politique idéale. Il est par ailleurs
remarquable de noter que notre province, berceau des Bourbons, ne fut à aucun
moment intégrée à la mythologie royale. Passé la période des reines-mères,
duchesses de Bourbonnais, seuls les Condé, cousins des rois de France,
continuèrent jusqu’à la
Révolution à entretenir des liens avec leur vieille terre
patrimoniale. Mais il ne s’agissait plus depuis bien longtemps que de liens apanagistes. Alors que le vieux
château de Bourbon-l’Archambault ne cessait de tomber en ruine depuis la fuite
du Connétable de Bourbon en 1523, la toiture
et le clocher de la Sainte-Chapelle
des XVe-XVIe siècles qui lui était accolée et qui abritait des reliques de la Sainte Croix, furent incendiés
en 1641 lors d’un violent orage. La restauration de l’ouvrage coûta plus de 2 000 livres aux
chanoines qui n’obtinrent aucun soutien de la monarchie bourbonienne…
Pourtant, il fallut bien, dès 1531, que l’administration royale encadre
et administre notre province. Alors que la dislocation de l’Etat bourbonnais entraîna
la fin des principales institutions ducales (le conseil, l’hôtel, la
chancellerie, les grands jours et la chambre des comptes), la monarchie
installa dans la foulée ses propres structures administratives. En 1532, un
gouverneur du Bourbonnais fut nommé avec des prérogatives essentiellement
militaires. En 1551, un siège présidial fut institué à Moulins dont le ressort
judiciaire couvrait la totalité de la sénéchaussée du Bourbonnais. Mais ce fut
surtout lors de la tenue des « Grands
jours du Parlement » à Moulins, en 1535, 1540 et 1550, que la justice
royale imprima sa puissance au cœur même du défunt Etat du Connétable. Ces sessions
de justice consistaient en un transport exceptionnel d’une partie des
magistrats du Parlement de Paris en province dans le but de juger en dernier
ressort des affaires criminelles ou civiles et de rendre du coup la justice du
roi plus proche des justiciables. Les Grands jours de 1534 réunirent ainsi, de
début septembre à fin octobre, une quinzaine de magistrats parisiens dont le
ressort s’étendait au Bourbonnais, à l’Auvergne, au Berry, au Nivernais, au
Forez, au Beaujolais, au Mâconnais, aux bailliages de Saint-Amand-Montrond et
de Montferrand, au Lyonnais, au pays de Combrailles et à la Marche. En 1540, le ressort
des dix-huit magistrats présents à
Moulins du 1er septembre au 31 octobre 1540 fut cette fois-ci augmenté de l’Orléanais. Enfin,
en 1587, on créa une Généralité de Moulins que l’on confia, dès 1611, à un
intendant (représentant administratif du roi), résidant à Moulins
La pièce maîtresse de la justice royale
en Bourbonnais était constituée par le siège présidial de Moulins installé dès
1551. La carte judiciaire était complétée par les bailliages royaux de Cusset
et de Saint-Pierre-le-Moutier. En première instance, les anciennes châtellenies
ducales, devenues royales en 1531, permettaient aux officiers royaux de rendre
une justice de proximité. La création, à partir de 1720, de nouvelles brigades
de maréchaussées, occupant des positions stratégiques (lieux de foires et
marchés importants, nœuds routiers) constitua une véritable révolution dans le
domaine du maintien de l’ordre public. Les anciennes lieutenances de police
furent alors dépassées.
CLIQUEZ SUR LES CARTES POUR LES AGRANDIR. Au regard de la fiscalité indirecte de
l’Ancien régime, le Bourbonnais était une double province frontière. Alors que l’Auvergne était une province
redimée, c’est-à-dire affranchie de l’impôt du sel, le Bourbonnais était un
pays de grande gabelle (taxation la plus forte). Un quintal acheté en Auvergne
9 à 11 livres,
coûtait en Bourbonnais 5 à 6 fois plus cher . A l’inverse, le Bourbonnais
faisait partie de la zone douanière des cinq grosses fermes (les provinces du
cœur du royaume) alors que l’Auvergne et le Forez relevaient des tarifs
douaniers assujettis aux provinces réputées étrangères et donc plus lourdement
taxées : la tentation de la contrebande sur le sel et les marchandises
était donc forte. La monarchie déploya donc sur les flancs sud et sud-est du Bourbonnais, ainsi que le long de la
vallée de l’Allier, des cordons douaniers composés de bureaux de contrôle, de
brigades ambulantes et de tribunaux spéciaux.
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