Le plus étonnant dans la révolte
actuelle des Bonnets rouges bretons ce n'est pas tant l'explosion sociale, qui tôt ou
tard devait arriver, que la résurgence d'un symbole enfoui dans la mémoire
bretonne depuis près de quatre siècles : preuve éclatante que l'identité
de cette région est une réalité vivante. Ce symbole nous renvoie donc à une
révolte populaire du XVIIe siècle dirigée contre la fiscalité royale et
notamment contre le Papier timbré, c'est-à-dire une marque fleurdelisée et
taxée qui officialisait les actes judiciaires ou notariaux. Sous l'Ancien Régime,
près de 40 % des insurrections, révoltes, émotions ou autres soulèvements
populaires furent liées au refus de la fiscalité royale (Jean Nicolas, La
rébellion française, PUF, 2000). Si toutes les provinces du royaume furent
touchées par ces mouvements souvent spontanés, la palme de l'agitation
antifiscale revint au Bassin parisien,
à la Bretagne
et au Languedoc. Sous l'Ancien Régime, alors que le Bourbonnais était réputé plutôt calme, les révoltes antifiscales y furent pourtant présentes : huit furent
répertoriées par André Leguai entre 1610 et 1709. La révolte moulinoise de 1640
fut la plus sérieuse.
Le 23 juin 1640, le « menu
peuple » s'assembla avec « armes à feu » et se transporta au
logis du petit dauphin, situé au faubourg d'Allier, où résidait Jacques
Puesche, « commis à la levée des taxes sur les aisés ». Les émeutiers
assassinèrent Puesche et « quelques autres de sa compagnie »,
puis volèrent les « deniers que ledit defunt Puesche avait alors
recueillis ». Selon les pièces de procédure, les maire et échevins qui se
portèrent sur les lieux, furent accueillis à coups d'arquebuses et
de mousquets. Un échevin fut d'ailleurs grièvement blessé. Au total, l'historien
soviétique Boris Porchnev, spécialiste des révoltes populaires du Grand Siècle,
estima qu'une dizaine de personnes trouvèrent la mort lors de cette journée
particulière.
Pendant les premières semaines de
la sédition, qui dura plus de deux mois, l'attitude de la municipalité moulinoise et de la garde
bourgeoise fut loin d'être en adéquation avec les dépositions consignées lors
de la sortie de crise. Le combat contre la fiscalité royale étant favorable à
leurs intérêts, les édiles se montrèrent au début de l'agitation plutôt conciliants vis-à-vis des
émeutiers. Mais voyant qu'aucune solution de sortie de crise n'était
envisageable face à l'Etat royal, la position de la bourgeoisie moulinoise
évolua peu à peu, notamment après le 15 juillet où lors d'une nouvelle émeute
plusieurs « bonnes maisons » furent pillées par la foule en colère.
La situation ne fut reprise en main que dans la nuit du 24 au 25 août durant
laquelle trois des chefs de la révolte, Rivet, Moladier et Bernardon furent
arrêtés par la garde bourgeoise, jugés sommairement et exécutés. De violents
échauffourées se déroulèrent alors aux portes de la ville où deux émeutiers
trouvèrent la mort. Dans les jours qui suivirent trois régiments envoyés par le
Prince de Condé prirent garnison chez l'habitant afin de réduire à néant les
velléités de la ville. La justice royale fit alors son œuvre : plusieurs
condamnations aux galères, au bannissement et à de fortes amendes furent
prononcées. Cependant, comme souvent sous l'Ancien Régime, le roi, par le biais
de Lettres de rémission, gracia une grande partie des condamnés.
S. HUG
HUGSTEPHANE@aol.com
S. HUG
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